La Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ) exprime son « exaspération » devant une « énième ronde de réflexion » sur la qualité de l’hébergement et des soins de longue durée offerts aux aînés. L’organisme presse la ministre Marguerite Blais de passer rapidement à l’action pour mettre fin à ce qu’on qualifie de « maltraitance organisationnelle » dans les CHSLD du Québec.

La présidente de l’organisme, Giselle Tassé-Goodman, a été secouée par les « inquiétantes révélations » de notre grande enquête sur les accidents médicaux. La Presse a révélé samedi que 200 aînés et personnes vulnérables étaient décédés, au cours des 20 dernières années, à cause d’accidents médicaux survenus dans les résidences qui les hébergeaient.

Nous évoquions notamment les cas d’un homme mort de soif en CHSLD, d’une femme décédée à cause de l’infection d’une plaie de lit, d’un homme mort alors que le préposé de nuit avait éteint les cloches d’appel.

Nous avons demandé à la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, de réagir à ces révélations à plusieurs reprises, avant et après la publication de l’enquête. Hormis un tweet publié samedi, elle s’est refusée à tout commentaire.

« Encore des horreurs envers les aînés. Encore de la maltraitance organisationnelle. Et encore ce douloureux constat : le manque de changements tangibles en matière de soins de longue durée perdure, et ce, malgré les nombreuses recommandations formulées par le Réseau FADOQ. Encore un cri d’alarme, notre cri d’alarme, qui peine à se faire entendre auprès de la classe politique », écrit Mme Tassé-Goodman dans une lettre qu’elle a fait parvenir à La Presse.

« Une quatrième consultation en cinq ans »

En mai dernier, l’organisme a été pressenti par Marguerite Blais pour participer à une nouvelle consultation en vue de l’élaboration d’une politique d’hébergement… prévue pour 2020. « Oui, une autre consultation. Il s’agira d’une quatrième consultation en cinq ans au sujet de l’hébergement et des soins de longue durée, écrit Mme Tassé-Goodman. La FADOQ montre son exaspération devant cette énième ronde de réflexion. Ce n’est plus le temps de réfléchir. Nous l’avons assez fait. Le temps presse, la population québécoise vieillit à un rythme accéléré, il faut passer à l’action. Point final. »

En entrevue avec La Presse, Mme Tassé-Goodman se demande d’ailleurs ce qu’il est advenu de toutes ces consultations réalisées au cours des cinq dernières années.

Mais qu’avons-nous fait des consultations précédentes ? Elles sont sur une tablette ? Finalement, on n’est pas plus avancés qu’avec M. Barrette…

Giselle Tassé-Goodman, présidente de la FADOQ

Les solutions, fait valoir la présidente de la FADOQ, ont toutes été présentées au fil des cinq dernières années. « Il faut embaucher de la main-d’œuvre formée et qualifiée. Il faut instaurer rapidement de nouveaux ratios soignants/patients pour prévenir l’épuisement professionnel ainsi que la détresse psychologique qui minent le quotidien. Il est grand temps que le gouvernement prenne acte des résultats encourageants des récents projets pilotes, écrit Mme Tassé-Goodman. La balle est dans le camp de nos décideurs politiques. »

« Les morts naturelles ont le dos large »

Le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, commence lui aussi à s’impatienter. « On est d’accord pour faire une mise à jour des bonnes pratiques, mais des consultations parce que politiquement on veut étirer la sauce, nous, on n’embarquera pas là-dedans. Ça va faire un an que le gouvernement est élu. J’espère que les ministres auront des choses à dire, claires, qui vont mener à des actions concrètes d’ici la fin de l’année. »

Me Brunet s’indigne lui aussi de notre dossier publié samedi.

Il y a 200 personnes qui sont mortes tragiquement, violemment. Je constate cependant que les coroners sont de plus en plus loquaces pour dénoncer ces mauvaises pratiques.

Me Paul Brunet

Pour lui, la sous-déclaration des accidents médicaux est une réalité incontestable dans les CHSLD et les résidences pour aînés. « Les morts naturelles ont le dos large », résume-t-il.

« Parfois, les familles nous le disent clairement : ma mère est tombée trois fois parce que le lit était trop haut et que personne ne s’en occupait. Elle s’est cassé la hanche, elle est entrée à l’hôpital et elle est morte. C’est une série d’erreurs qui ont mené au décès. On ne peut pas accepter ça. Les familles n’ont rien, elles n’ont même pas d’excuses de la part des établissements. »