Une quarantaine d’ambulances et un taux d’occupation de 200 % ont entraîné un débordement important aux urgences de l’hôpital Anna-Laberge à Châteauguay, poussant le personnel médical à bout mercredi dernier. Les infirmières de l’équipe de soir ont refusé de travailler dans des conditions qu’elles estimaient dangereuses pour les patients, a appris La Presse.

Pendant quatre heures, les urgences n’ont été ouvertes qu’aux personnes dans un état critique nécessitant une réanimation ou une intervention immédiate, selon Caroline Bourassa-Fulop, urgentologue à l’hôpital Anna-Laberge. Le délai d’attente sur civière des patients cette semaine a atteint un sombre record de cinq jours, a-t-elle dévoilé.

Alors que les patients en observation s’accumulaient dans les urgences, il y a deux jours, les infirmières de soir, déjà en sous-effectif, ont fait un sit-in, refusant de rentrer au travail dans des conditions aussi périlleuses. La surcharge de travail était trop lourde et la sécurité des patients était en jeu.

Quand nous sommes arrivées en après-midi, on avait 57 patients sur des civières aux urgences, avec un effectif réduit. Cette situation est dangereuse pour les patients. Nous avons refusé de travailler dans ces conditions.

Une infirmière présente sur les lieux qui a préféré garder l’anonymat

Bien qu’elle dénonce ces conditions menant à une surcharge de travail, elle se dit consciente des difficultés liées à la gestion d’un hôpital.

La situation s’est rétablie en fin de soirée grâce à l’efficacité des équipes. Les médecins généralistes ont accepté de prendre en charge plus de patients pour dégager les urgences, et une aile de débordement a été ouverte pour les malades. « On bouche des trous. Ce n’est pas une solution viable à long terme. Tout le monde travaille pour des soins de santé à la hauteur de ce qu’on veut pour les patients », déplore Mme Bourassa-Fulop.

Selon elle, plusieurs facteurs expliquent la situation critique d’il y a deux jours : une population vieillissante à Châteauguay, un problème d’hébergement pour les patients qui ont terminé leur hospitalisation et un manque de personnel, qu’il s’agisse de médecins généralistes ou d’infirmières. Pour les professionnels de la santé de l’hôpital Anna-Laberge, comme pour ceux d’autres hôpitaux en Montérégie, la surcharge de travail est lourde et épuisante. L’urgentologue s’inquiète d’un achalandage accru à cette période de l’année. « Si on est à 200 % de capacité au mois d’août, ça va être quoi en hiver, pendant la période la plus occupée ? », se demande la médecin spécialiste.

Une quinzaine d’infirmières, à bout, s’en iront le mois prochain. « Cette surcharge de travail engendre des conditions épuisantes et exécrables. C’est un cercle vicieux », déplore l’infirmière contactée par La Presse.

Situation précaire

« Nous sommes conscients de la pression créée sur le personnel, et la qualité et la sécurité des soins aux patients sont restées des priorités mercredi dernier », a dit Jade St-Jean, porte-parole du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest. Elle dit qu’on ne lui a pas signalé de temps d’attente de cinq jours.

Elle assure que l’équipe de gestion et le personnel médical ont mis la main à la pâte pour contrôler l’affluence. « Les équipes cliniques ont accepté de prendre plus de patients pour diminuer la pression à l’urgence. On a pu déplacer des patients à l’étage », explique-t-elle. La situation est encore suivie de près, assure-t-elle.

Selon Mme St-Jean, l’ensemble des hôpitaux de la Montérégie sont dans une situation précaire, les patients dépassant de loin les effectifs disponibles. Une conjoncture inhabituelle comme celle de mercredi a donc un impact.

Il manque un hôpital sur le territoire. Il est prévu d’en avoir un à Vaudreuil-Soulanges d’ici 2026.

Jade St-Jean, porte-parole du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest

En attendant, des efforts sont maintenus afin de réorienter certains patients vers des soins plus adaptés pour désengorger les urgences et les activités de recrutement sont à plein régime.

« Les lits d’hôpitaux sont actuellement occupés par une clientèle qui devrait être en soins de longue durée », dit Francine Savoie, présidente du syndicat des professionnels en soin de la Montérégie Ouest. Elle insiste sur la pression énorme subie par l’équipe des urgences de Châteauguay quand l’affluence augmente en période hivernale.

Les professionnelles en soins sont, à son avis, épuisées de travailler avec des équipes réduites. Il faut désengorger les lits d’hôpitaux, sortir les gens qui ne nécessitent plus de soins hospitaliers, juge-t-elle.

« La situation va en se détériorant. Je lance un appel à notre ministre de la Santé, car il y a urgence d’agir », affirme Mme Savoie.

Un article de La Presse paru en janvier dernier relatait une situation similaire à l’hôpital du Suroît, à Valleyfield. Pénurie de personnel et affluence avaient également été mises en cause.