Les risques de mortalité après un traumatisme physique seraient trois fois plus élevés pour les patients soignés en milieu rural par rapport à ceux soignés en milieu urbain, constatent des chercheurs de l’Université Laval.

Le docteur Richard Fleet, titulaire de la Chaire de recherche en médecine d’urgence, et ses collègues ont comparé les taux de mortalité chez les victimes de traumatisme traitées en milieu rural avec ceux des victimes de traumatisme traitées en milieu urbain. Ils ont analysé près de 80 000 cas de traumatismes survenus entre 2009 et 2013, qui consistent principalement en des chutes et des accidents de voiture. Ces données proviennent de 26 urgences d’hôpitaux situés dans des villes de moins de 15 000 habitants et de 33 centres de traumatologie urbains.

En tenant compte des facteurs modifiant le taux de survie, comme l’âge et la gravité des blessures, les chercheurs ont remarqué un risque de mortalité 3,4 fois plus élevé chez 9 % des patients soignés dans les urgences éloignées des centres de traumatologie.

Délai d’intervention

Selon Richard Fleet, chercheur principal de l’étude, publiée dans la revue BMJ Open de la British Medical Association, le risque de mortalité plus élevé découlerait principalement d’un délai trop long entre l’appel au 911 et l’arrivée aux urgences. La première heure suivant le traumatisme est critique pour la survie des blessés.

PHOTO FOURNIE PAR L'UNIVERSITÉ LAVAL

Le docteur Richard Fleet, de l’Université Laval

« En cas d’accident grave, plus le délai augmente, plus le taux de mortalité augmente. On sait qu’environ la moitié des victimes qui succombent à leur traumatisme le font en moins de 90 minutes. Il faut donc agir rapidement pour stabiliser le patient et lui administrer les soins, soutient Richard Fleet. En région, 60 % des urgences se trouvaient à plus de 150 km d’un centre de traumatologie. C’est impossible d’y transporter le patient rapidement en ambulance. C’est un défi important de répondre rapidement. »

Les délais n’étaient pas précisés dans les données analysées, mais dans une portion importante des cas, la mort survenait avant l’arrivée aux urgences. Ce constat renforce l’hypothèse d’un délai d’intervention trop long.

Pour diminuer le taux de mortalité, Richard Fleet soutient l’importance de réduire le temps d’intervention, en recourant à l’hélicoptère, par exemple. En juin 2018, le ministre de la Santé de l’époque, Gaétan Barrette, annonçait un projet pilote en matière de transport de patients vers l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, doté d’un héliport fonctionnel pour les régions de Lanaudière, des Laurentides et de la Mauricie–Centre-du-Québec. Avec le changement de gouvernement, le projet sera actualisé et présenté à nouveau.

Peu de ressources en région

Le manque de ressources pour traiter le traumatisme diminuerait aussi le taux de survie en milieu rural. Il y a peu de médecins spécialistes dans certains hôpitaux éloignés des grands centres. « Lorsque tu as une équipe plus étoffée sur place, surtout dans les endroits un peu plus achalandés, tu peux travailler en équipe et améliorer les soins aux patients et mieux les stabiliser pour les référer à distance », affirme le chercheur. Il y a aussi un manque en matière d’équipements, comme en imagerie médicale.

Le chercheur et son équipe travaillent sur les solutions pour améliorer l’intervention en milieu rural. « Une deuxième phase de l’étude vise à faire un sondage auprès d’experts en traumatologie. On va présenter toutes les solutions, comme les hélicoptères, la télémédecine dans les ambulances et les drones, explique Richard Fleet. On sonde ces experts pour voir s’il y a consensus, trouver des solutions meilleures que d’autres et déterminer les priorités. »