Résidants pas encore couchés à 23 h 30, obligés de manger à la hâte ou laissés plus longtemps sans recevoir de bain. La pénurie de personnel au CHSLD Pierre-Joseph-Triest dans l’est de Montréal est telle que les soins aux résidants en pâtissent, selon le syndicat représentant les préposés aux bénéficiaires.

Julie Hébert, dont la mère est hébergée dans cet établissement, critique elle aussi les conditions de vie qui y règnent. « Ma mère est rendue à huit ou neuf chutes depuis qu’elle est là. J’ai peur pour elle. Je suis anxieuse. Je n’en dors pas la nuit », affirme-t-elle.

La mère de Mme Hébert, qui a 72 ans, habite le CHSLD Pierre-Joseph-Triest depuis juillet 2018. Selon Mme Hébert, la qualité des soins offerts ne cesse de se détériorer. « Le 29 avril, elle a chuté. Elle est restée sur le sol pendant 40 minutes, avec sa culotte souillée et la fenêtre ouverte, avant que quelqu’un ne vienne la relever », déplore la dame.

Mme Hébert a installé une caméra dans la chambre de sa mère. Au cours des dernières semaines, des images de celle-ci ont circulé sur les médias sociaux. « Ma mère est à risque de chute. Elle a besoin de stimulation. De sécurité. Elle n’a rien de ça », affirme Mme Hébert.

Porte-parole du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Lison Lescarbeau explique ne pas pouvoir commenter la situation pour des « raisons de confidentialité ». « Un suivi rigoureux est présentement effectué à propos de l’incident qui circule sur les médias sociaux. Cette situation est prise très au sérieux par notre établissement », affirme-t-elle.

Pénurie de personnel

Au début de la semaine, le syndicat représentant notamment les préposés aux bénéficiaires du CHSLD Pierre-Joseph-Triest a dénoncé la pénurie de personnel dans l’établissement. « Les préposés sont débordés. Ils ont l’impression de ne pas pouvoir faire leur travail jusqu’au bout », affirme le vice-président du syndicat.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La pénurie de personnel au CHSLD Pierre-Joseph-Triest dans l’est de Montréal est telle que les soins aux résidants en pâtissent, selon le syndicat représentant les préposés aux bénéficiaires.

Selon lui, de façon quasi systématique, deux ou trois résidants ne sont toujours pas couchés le soir à 23 h 30 au CHSLD Pierre-Joseph-Triest, car il manque de personnel pour mettre tout le monde au lit. 

« Par manque de personnel, on doit tourner les coins rond. Sauter un bain. Faire marcher un résidant une seule fois par jour au lieu de trois. » — Éric Clermont

Si elle reconnaît les problèmes de recrutement au CHSLD Pierre-Joseph-Triest « comme [dans] tous les établissements de santé », Mme Lescarbeau affirme que plusieurs mesures ont été prises pour corriger la situation. Les horaires et les tâches ont été revus. Le nombre d’heures travaillées des préposés a été augmenté. « Notre d’équipe chargée de l’amélioration continue est présentement sur place pour s’assurer que la charge de travail soit adéquate pour le personnel sur les lieux », affirme Mme Lescarbeau.

Depuis janvier, cinq rencontres patronales-syndicales ont eu lieu pour trouver des solutions. Lundi, une autre de ces rencontres est prévue.

« La crise dure depuis le 10 janvier. Il faut trouver des solutions », affirme M. Clermont, qui milite pour l’ajout quotidien de six heures de travail et l’augmentation du nombre de postes à temps complet.

À la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), le président Jeff Begley affirme que la pénurie de personnel touche l’ensemble du réseau et que les inquiétudes sont grandes à l’approche de l’été alors que plusieurs travailleurs seront en congé. « Déjà, à plusieurs endroits, on manque de monde […] On se fait toujours dire qu’il faut trouver des solutions à coût zéro. Mais il y a une limite à faire ça », dit M. Begley.

Rapport inquiétant

Dans un rapport publié le 16 mai, le Protecteur du citoyen a justement exposé les conséquences qu’avait eues la pénurie de personnel vécue l’été dernier au CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf.

L’établissement, construit en partenariat public-privé et qui héberge 206 résidants, a connu une pénurie sévère de personnel à l’été 2018. Malgré l’adoption de mesures, comme l’embauche de 16 accompagnateurs-aides de service, « il n’était pas rare que les préposés aux bénéficiaires […] se retrouvent seuls sur leur aile », peut-on lire dans le rapport. 

Si l’enquête n’a révélé « aucune menace à la sécurité des personnes hébergées ni de graves répercussions sur leur santé », elle a permis de constater des « écarts de pratique ». « Par exemple, on donnait bel et bien les toilettes corporelles partielles quotidiennes et les soins buccaux, mais dans un temps limité, diminuant la qualité du service. De plus, des délais dans le changement de culotte d’incontinence pouvaient générer, particulièrement la nuit, des débordements. » 

Dans le rapport, on peut aussi lire que « malgré les efforts déployés, des personnes ont pu de façon exceptionnelle demeurer au lit pendant plus de 24 heures ».

Directrice marketing du Groupe Savoie, propriétaire du CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf, Katarina Marcil affirme que plusieurs mesures ont été prises depuis. « Nous ne sommes pas inquiets pour cet été. Les équipes sont en surplus et stables partout. On a été prévoyants. Toutes les vacances ont été accordées à l’avance. Et même pendant les vacances, on a des surplus », affirme Mme Marcil. 

Les deux conventions collectives des employés ont aussi été signées dernièrement. « L’ambiance est très belle en ce moment », note Mme Marcil, qui affirme que l’établissement « cherche toujours des façons de s’améliorer et de recruter ».

« Il faut trouver des solutions au manque de personnel dans tout le réseau. Ça commence à être urgent », plaide M. Begley.

Fermetures de lits dans les hôpitaux

Dans la grande région de Montréal, certains hôpitaux devront fermer des lits durant l’été, faute de personnel. Le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) fermera entre autres 27 lits au site Glen de juillet à septembre. L’hôpital du Sacré-Cœur prévoit fermer 20 lits. L’hôpital de Saint-Jérôme fermera 13 lits. Le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), tout comme plusieurs autres établissements de la grande région de Montréal, ne prévoit aucune fermeture.