(Montréal) Les femmes enceintes qui prennent des médicaments contre la dépression ou l’anxiété sont trois fois plus à risque de souffrir de prééclampsie, révèle une étude publiée récemment dans la revue BMC Pregnancy and Childbirth par des chercheurs de l’Université Laval et du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.

La prééclampsie est un problème d’hypertension qui peut conduire à des convulsions susceptibles de mettre en danger la santé de l’enfant et de la mère.

Environ 5 % des femmes enceintes souffrent de problèmes hypertensifs, y compris la prééclampsie. Certaines études publiées antérieurement laissaient croire que la prise d’antidépresseurs et d’anxiolytiques pouvait augmenter le risque d’hypertension pendant la grossesse.

« C’était une question non résolue dans la littérature, a expliqué le docteur Jean-Claude Forest, un des auteurs de l’étude. Les résultats avaient été jusqu’à un certain point contradictoires. On s’est demandé si on pouvait répondre à la question : est-ce que les antidépresseurs sont un facteur de risque dont on devrait tenir compte lorsque les patientes sont suivies en grossesse et est-ce que ce type de question-là doit être posé rapidement ? »

Le docteur Forest et son collègue Yves Giguère, qui enseignent à la Faculté de médecine de l’Université Laval, ont donc décidé d’examiner les liens entre la prise de ces produits et la prééclampsie dans une cohorte de 6761 femmes enceintes.

« On avait la capacité d’identifier les femmes qui commençaient la médication tôt pendant la grossesse [pour voir] si ça amenait un risque d’hypertension de grossesse ou de prééclampsie, un phénomène plus sévère », a dit le docteur Giguère.

« On a pu contrôler pour plusieurs paramètres qui sont associés à la prééclampsie pour s’assurer que c’est un effet indépendant. On ne peut pas être certains en totalité, c’est une association, mais comme on a contrôlé pour plusieurs paramètres, on est capables de dire qu’il y a une association indépendante, donc un risque augmenté de prééclampsie. »

Par exemple, a précisé le docteur Forest, les participantes à cette étude qui prenaient des antidépresseurs n’avaient pas d’antécédents d’hypertension avant la grossesse, ce qui aurait pu constituer un facteur de risque pour la prééclampsie.

Leurs analyses montrent que le risque de souffrir d’hypertension ou de prééclampsie est 3,1 fois plus élevé chez les femmes qui ont commencé la prise d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques avant la 16e semaine de grossesse que chez celles qui n’ont pas pris de médication.

Les chercheurs ont également observé que ce risque devient 3,4 fois plus grand chez les femmes qui poursuivent la médication après la 16e semaine, mais qu’il baisse à 1,6 fois si elles cessent le traitement.

« Ça veut dire que s’il y a une discussion sur la pertinence de prendre la médication entre le médecin et sa patiente, on peut renverser [le phénomène] chez les femmes qui pourraient se passer de ces antidépresseurs et peut-être avoir des thérapies qui seraient non pharmacologiques », a expliqué le docteur Giguère.

Mais une autre option s’offre aux femmes pour qui on ne pourrait pas envisager l’arrêt de la médication, a ajouté le docteur Forest.

« On peut considérer le fait de prendre de l’aspirine le soir, a-t-il dit. Si on intervient tôt en grossesse chez les femmes qui ont des facteurs de risque démontrés, et qu’on ne peut pas changer le facteur de risque en question, on peut réduire l’occurrence de prééclampsie avec l’utilisation de l’aspirine. »

L’aspirine, si elle est commencée tôt, pourrait permettre d’éviter jusqu’à 90 % des cas graves de prééclampsie, a découvert le docteur Emmanuel Bujold, un autre des auteurs de l’étude.

« On apporte une lumière de plus pour prendre la meilleure décision pour une personne en particulier », a dit le docteur Forest.

Il est estimé que jusqu’à 10 % des femmes prennent des antidépresseurs et 5 % prennent des anxiolytiques pour traiter des troubles de l’humeur durant la grossesse.

Une autre étude québécoise, celle-là publiée en ligne la semaine dernière par le journal JAMA Psychiatry, prévenait que la prise de certains anxiolytiques pendant le premier trimestre de grossesse pourrait augmenter le risque de fausse couche.