Un autre obstacle au don de sang a été atténué par Santé Canada : les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes pourront maintenant donner du sang après trois mois d’abstinence plutôt qu’un an.

Le changement a son importance pour l’approvisionnement des banques de produits sanguins, mais aussi pour mettre fin à la stigmatisation des hommes ayant des relations homosexuelles.

Santé Canada a annoncé le changement mercredi matin, donnant ainsi le feu vert à une demande de la Société canadienne du sang et d’Héma-Québec visant à faire réduire la période d’abstinence obligatoire.

Jusqu’en 2013, le Canada imposait une restriction à vie aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, c’est-à-dire qu’ils ne pouvaient pas donner de sang s’ils avaient eu des rapports sexuels avec un autre homme après 1977. Depuis, Santé Canada a approuvé trois demandes distinctes de réduction de la période d’attente, qui a été ramenée à cinq ans en 2013, puis à un an en 2016 et maintenant à trois mois.

Héma-Québec souligne qu’actuellement, la question suivante est posée aux hommes qui souhaitent faire un don de sang : « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous eu une relation sexuelle avec un homme, même une seule fois? ». Ceux qui répondent oui à cette question sont exclus du don de sang pour un an suivant la dernière relation.

Ces réductions progressives des délais au cours des années, « qui sont fondées sur des données probantes, n’ont pas fait augmenter le nombre de dons de sang séropositif », a indiqué la ministre de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, dans un communiqué.

« C’est un pas important vers l’élimination complète de la période d’exclusion », a-t-elle précisé.

De son côté, le député Randy Boissonnault, conseiller spécial du premier ministre sur les enjeux liés à la communauté LGBTQ2, était fort satisfait.

« Pour nous, c’est une victoire pour la communauté LGBTQ2 et la communauté canadienne parce que ça indique que si on suit la science, quand on travaille avec la communauté, on peut faire des pas. Avant que nous soyons ici en fonction, il y avait un empêchement de cinq ans. Ensuite, on a fait un changement à un an. Maintenant, grâce à la science, on est à trois mois et ça va enlever la stigmatisation associée avec les dons de sang », a-t-il dit.

Le changement sera en vigueur dès le mois de juin.

La Société canadienne du sang et Héma-Québec poursuivent néanmoins leurs démarches pour que la sélection des donneurs soit basée sur le comportement, et non pas sur l’appartenance à un groupe jugé « à risque ».

Mercredi, les deux organisations se sont dites satisfaites de cette modification qui permettra d’avoir un plus grand nombre de donneurs potentiels pour l’approvisionnement de leurs banques de sang.

« Le but est de ne pas mettre en péril la sécurité et la suffisance de l’approvisionnement tout en gardant des mesures de sécurité les moins restrictives possible », a indiqué en entrevue Louis-Paul Ménard, porte-parole d’Héma-Québec.

Chaque don de sang est testé et les tests sont de plus en plus performants, a-t-il assuré, soulignant que ces tests permettent d’identifier les virus et les maladies présents dans le sang. Sauf que pendant environ deux semaines après une infection, aucun test ne permet la détection pour le moment, précise-t-il.

De son côté, Dr Mindy Goldman, directrice médicale des services aux donneurs et cliniques à la Société canadienne du sang, a fait valoir que la réduction du délai à trois mois va permettre d’augmenter le bassin de donneurs et fera en sorte que le critère sera fondé sur la science, ce qui n’était pas le cas de la période d’exclusion d’un an.

Selon Héma-Québec, la modification annoncée mercredi repose de plus sur une analyse révélant qu’il n’y aura aucun risque accru sur la sécurité des produits sanguins destinés à la transfusion. La possibilité de transmission du VIH par transfusion est actuellement extrêmement faible, soit de l’ordre de 1 sur 23 millions au Québec. Bref, « la modification annoncée ne changera pas de façon significative ce risque ».

L’organisme précise que d’autres personnes sont astreintes à des périodes d’attente avant de faire des dons de sang, notamment ceux qui se font tatouer.

Pour le Conseil québécois LGBT, le gouvernement fédéral est passé de la parole aux actes, notamment en finançant de la recherche qui a permis de soutenir ce changement de critère, a tenu à souligner Firmin Havugimana, coordonnateur aux communications.

La sélection des donneurs devrait être la même pour tous les citoyens, soutient-il, et devrait être faite en fonction des comportements à risque et non pas de l’orientation sexuelle.

Il s’est particulièrement réjoui que la ministre ait mentionné explicitement qu’elle souhaite éventuellement une élimination complète de la période d’exclusion.

« Ça dissipe aussi les préjugés tenaces sur les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes », a-t-il conclu à propos du changement de critère.

Le Canada emboîte ainsi le pas à l’Angleterre, l’Écosse et au pays de Galles qui ont déjà intégré une telle période d’exclusion limitée à trois mois.