(Montréal) Les paquets de cigarettes au pays seront bientôt tous bruns, histoire de les rendre les moins attrayants possible.

Cela fait partie des nombreuses mesures incluses dans la nouvelle réglementation de Santé Canada portant sur les produits de tabac et leurs emballages, annoncée mercredi.

Mais le ministère fédéral ne s’arrête pas là : à peu près tout sera prohibé à l’intérieur comme à l’extérieur des paquets.

Ceux-ci devront être d’un brun « terne et mat », la couleur « la moins attrayante » et qui incite le moins à l’achat selon les expériences menées dans d’autres pays, comme l’Australie.

Les écritures, dont le nom de la marque, ne pourront être que grises, et tout sera prescrit comme la taille du caractère et même la police. Les boîtes devront être rectangulaires, d’une taille minimum, sans arrêtes arrondies. Les étuis de type « bâtons de rouge à lèvres » seront interdits. Les paquets ne pourront plus comporter de logos de marque ou de compagnie.

Tout cela pour éviter que les paquets de cigarettes ne soient de petits panneaux publicitaires.

Les avertissements de santé vont toutefois y demeurer, incluant les images d’organes détériorés par la cigarette et la nicotine.

Les cigarettes elles-mêmes ne pourront être que blanches, avec un filtre blanc ou ressemblant au liège. Pas question d’y mettre de la couleur, ou même la marque du fabricant. Leur taille sera limitée à deux options : régulières ou king size, et exit les cigarettes minces ou ultraminces, souvent qualifiées de plus féminines.

Bref, toute tentative de fabricants de tabac d’identifier leurs produits à leur marque ou de les rendre attirants semble avoir été annihilée.

Ultimement, en rendant les paquets moins séduisants, Santé Canada espère décourager les fumeurs, surtout les jeunes qui sont plus sensibles à la publicité, dit le ministère.

Les produits de vapotage ne sont pas visés par cette réglementation.

Le ministère rappelle que le tabac demeure la principale cause évitable de décès prématurés et de maladies au Canada. Il y a plus de 4 millions de Canadiens qui consomment encore du tabac, soit environ 17 % de la population du pays.

La Stratégie canadienne sur le tabac vise à réduire le taux de tabagisme au Canada à moins de 5 % d’ici 2035.

« Les preuves sont concluantes : l’emballage neutre est un moyen efficace de faire baisser les taux de tabagisme, surtout chez les jeunes. C’est une priorité pour nous de réduire le taux de tabagisme pour l’ensemble de la population canadienne », a déclaré par communiqué la ministre de la Santé, Ginette Petitpas Taylor.

La Société canadienne du cancer appuie complètement la réglementation, qui sera « la plus efficace au monde », a déclaré Rob Cunningham, analyste principal des politiques au sein de la société.

L’enthousiasme est similaire chez l’organisme Coeur + AVC.

« Notre prochain défi est le vapotage, dit toutefois l’organisme. L’utilisation de la cigarette électronique par les non-fumeurs menace les progrès que nous avons accomplis pendant des décennies de lutte contre le tabagisme et risque de créer une nouvelle génération dépendante à la nicotine. Coeur + AVC attend la mise en place d’une réglementation stricte pour combattre l’augmentation du taux de vapotage chez les jeunes », a indiqué par communiqué Yves Savoie, chef de la direction national de Coeur + AVC.

Mais l’annonce n’a pas fait que des heureux.

Imperial Tobacco, l’un des plus importants fabricants au Canada, remet en question les assises de la nouvelle réglementation.

« Les expériences menées dans d’autres pays démontrent non seulement que le paquet neutre ne modifie pas le comportement du consommateur, mais qu’il alimente le marché du tabac illicite déjà florissant », s’est indigné Eric Gagnon, directeur des affaires corporatives et réglementaires de l’entreprise.

Le Conseil canadien de l’industrie des dépanneurs dénonce le fardeau additionnel que la nouvelle réglementation va leur imposer.

Selon lui aussi, ces emballages neutres vont favoriser la contrebande.

« En l’absence de tout élément de marque, il sera très difficile pour les détaillants, les consommateurs et les forces de l’ordre de distinguer les produits légaux de ceux qui ne le sont pas », estime Anne Kothawala, présidente directrice générale du Conseil canadien de l’industrie des dépanneurs.

Ces épouvantails de la contrebande et de l’absence de preuve sont agités depuis toujours par les fabricants canadiens, fait remarquer Flory Doucas, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, qui indique que des études récentes démontrent l’efficacité des mesures restrictives sur l’apparence des paquets.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) approuve d’ailleurs les emballages neutres pour les produits du tabac et les cigarettes.

La réglementation prendra effet selon un échéancier déterminé. La plupart des mesures, comme celle imposant le paquet brun, seront en vigueur le 9 novembre 2019 pour les fabricants et le 7 février 2020 pour les détaillants. Certains produits spécifiques bénéficieront de délais additionnels, tels que les cigares (mai 2021 pour les détaillants).