Inquiet des dangers que peuvent avoir les boissons sucrées et fortement alcoolisées sur la santé des jeunes, Santé Canada veut limiter la concentration d'alcool pouvant y être contenu. L'organisme gouvernemental veut ainsi limiter les risques de surconsommation, accidentelle ou non, liés à ces produits.

Lors d'une conférence tenue cet après-midi, Santé Canada a proposé des modifications au Règlement sur les aliments et drogues afin de « réduire la quantité d'alcool dans les contenants à portion unique de boisson purifiée aromatisée ayant une forte teneur en alcool ».

Actuellement, ces boissons sucrées peuvent contenir jusqu'à quatre fois plus d'alcool par portion qu'une boisson alcoolisée standard, comme une bière. Le tout « sans pourtant goûter l'alcool, car la base d'alcool est purifiée, aromatisée et souvent très sucrée », écrit Santé Canada.

Ces boissons « sont formulées, conditionnées et commercialisées de manière à attirer un segment plus jeune et plus facilement influençable de la population consommatrice d'alcool », écrit Santé Canada.

Des produits dangereux

Administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam mentionne que le « quart des jeunes au Canada en bas de l'âge légal de boire de l'alcool en consomment de manière excessive ».

Les dangers des boissons sucrées et alcoolisées sont nombreux. Leur surconsommation, accidentelle ou non, peut entraîner une intoxication alcoolique aiguë ou même la mort. « Ces produits ont été mis en cause dans des hospitalisations et un décès au cours de la dernière année », écrit Santé Canada.

En décembre 2017, le québécois Pierre Parent, 30 ans, est décédé après avoir consommé en quelques heures un mélange de quatre canettes de boisson sucrée et alcoolisée Four Loko (11,9 % d'alcool), une boisson Smirnoff (4,8 % d'alcool) et des Tylenol. Un décès qui a incité Santé Canada à agir.

Au Québec, la jeune Athéna Gervais, 14 ans, a été retrouvée morte en février 2018 dans un ruisseau derrière son école. Le rapport du coroner entourant les circonstances exactes de ce décès est toujours attendu. Mais selon ses amis, le jour de sa disparition Athena aurait bu une canette de FCKD UP, une boisson sucrée et fortement alcoolisée (11,9 %) aujourd'hui retirée des tablettes, sur l'heure du midi.

La proposition

Les changements réglementaires proposés par Santé Canada visent à restreindre la teneur en alcool des boissons sucrées et alcoolisées « à celle d'une consommation ordinaire et demie (25,6 ml d'alcool) lorsqu'elles sont emballées dans des contenants de 1000 ml ou moins, que ceux-ci soient refermables ou non ».

Limites proposées pour les boissons alcoolisées purifiées et aromatisées :

7,2 % d'alc. /vol. si elles sont vendues dans des contenants de 355 ml ;

5,4 % d'alc. /vol. si elles sont vendues dans des contenants de 473 ml ;

4,5 % d'alc. /vol. si elles sont vendues dans des contenants de 568 ml ;

3,6 % d'alc. /vol. si elles sont vendues dans des contenants de 710 ml.

« Cette limite alignera la teneur en alcool des contenants de boissons alcoolisées purifiées et aromatisées sur un grand nombre d'autres types de boissons alcoolisées conditionnées en portions individuelles actuellement commercialisées au Canada, comme les panachés à base de spiritueux, la bière et le cidre, essentiellement vendus dans des formats contenant de 1 à 1,5 consommation standard d'alcool », écrit Santé Canada. Les boissons vendues dans des contenants en verre d'un volume de 750  mL ou plus ne sont pas visées par la réglementation, car elles contiennent généralement plus d'une portion.

Santé Canada invite à la population à se prononcer sur ce projet de règlement du 22 décembre au 5 février. « Je suis vivement préoccupée par l'offre grandissante de ces boissons à haute teneur en alcool, ainsi que par l'attrait qu'elles exercent chez les jeunes. Le nouveau projet de règlement est une mesure importante qui nous aidera à protéger les jeunes Canadiens », dit la ministre fédérale de la santé, Ginette Petitpas Taylor.

Trop peu, selon Éduc'alcool

Pour Éduc'alcool, limiter le contenu des cannettes de boissons alcoolisées sucrées à 1,5 verre plutôt qu'à un seul verre « ne tient absolument pas compte du besoin de clarté qui s'impose lorsqu'il est question de boissons trompeuses qui camouflent le goût et l'effet de l'alcool ». « Nous avons proposé qu'à défaut d'interdire complètement ces boissons hypocrites, on limite à un verre standard le contenu de ses cannettes. Ainsi, il y aurait un minimum de clarté et de simplicité pour les éventuels consommateurs, particulièrement les jeunes », a souligné le directeur général d'Éduc'alcool, M. Hubert Sacy.

Agente de liaison politique aliment pour Santé Canada, Marie-Josée Bolduc explique que la cible proposée par Santé Canada « est en harmonie avec le restant de l'industrie ». Plusieurs autres produits alcoolisés doivent respecter la même limite, une limite qui suit la directive de consommation d'alcool à faible risque au Canada, a-t-elle expliqué.