Le président de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD) critique vertement la ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, qui semble avoir fermé la porte à modifier la loi fédérale sur l'aide médicale à mourir malgré le cri du coeur d'une Canadienne.

« C'est une réponse ridicule. La loi C-14 ne respecte pas du tout le jugement de la Cour suprême », a déploré le Dr Georges L'Espérance, en marge d'une conférence au Salon de la mort, dimanche matin, à Montréal.

Le président de l'AQDMD et neurochirurgien était invité à l'événement pour faire l'état des lieux sur les lois fédérale et québécoise concernant l'aide médicale à mourir, une question qui préoccupait visiblement plusieurs participants.

L'enjeu de la loi fédérale sur l'aide médicale à mourir est revenu dans l'actualité cette semaine lorsqu'une dame de Halifax a dénoncé les critères qu'elle jugeait trop restrictifs.

Diagnostiquée d'un cancer du sein de stade quatre en 2016, Audrey Parker avait obtenu l'autorisation de recourir à l'aide médicale à mourir. Mais avant de rendre l'âme jeudi, elle avait souligné qu'elle devait quitter ce monde plus tôt qu'elle ne l'aurait souhaité parce que la loi fédérale était trop restrictive.

En vertu de cette loi, une personne doit être consciente et saine d'esprit au moment où elle donne son consentement final pour l'injection mortelle. Or, Mme Parker expliquait jeudi que, si elle devenait subitement inapte à donner ce consentement final en raison de sa maladie ou des médicaments, elle ne pourrait plus recourir à l'aide médicale à mourir, et ce, même si sa demande avait été approuvée au préalable.

« Si le consentement final avait été aboli, j'aurais juste eu à vivre ma vie un jour à la fois. Si j'avais remarqué que je perdais des capacités, j'aurais pris des mesures moi-même... et j'aurais appelé mon médecin pour qu'il m'aide à mourir », a-t-elle écrit sur sa page Facebook.

En réaction à cette requête, la ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a déclaré que le gouvernement n'envisageait pas de modifier la loi parce qu'il estimait que cette dernière était adéquate dans sa forme actuelle.

En entrevue avec La Presse canadienne, le Dr L'Espérance a affirmé que la loi fédérale actuelle ne respectait pas le jugement de la Cour suprême, qui avait obligé Ottawa à encadrer l'aide à mourir.

Dans son arrêt Carter rendu en 2015, la Cour suprême avait jugé que les dispositions du Code criminel ne s'appliquaient pas dans les cas où un médecin fournirait de l'aide à mourir à un adulte « qui consent clairement à mettre fin à sa vie » et « qui est affecté de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition ».

Le gouvernement fédéral a toutefois ajouté des critères dans sa loi, baptisé C-14. Les patients doivent « être à un point où (leur) mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible » et ils doivent donner leur consentement lorsqu'ils font leur demande et le redonner juste avant que l'aide médicale à mourir leur soit administrée.

« Les deux dames qui étaient allées en Cour suprême, Mmes Taylor et Carter, c'étaient des pathologies chroniques, c'étaient pas des cancers, donc elles n'étaient pas en fin de vie imminente d'aucune façon », a-t-il expliqué.

« C-14 est très mal faite. (Le gouvernement) a fait ça dans l'urgence, mais elle ne respecte pas du tout l'esprit de la Cour suprême. »

Une requête auprès du Québec

Une autre revendication de l'AQDMD est de permettre au patient d'inclure dans ses Directives médicales anticipées (DMA) une demande d'aide médicale à mourir, ce qui n'est pas autorisé en ce moment en vertu de la loi québécoise.

Les DMA, qui ont été créées en 2014 par la Loi concernant les soins de fin de vie, sont couchées sur un document signé par un adulte « apte à exprimer sa volonté », qui indique s'il souhaite recevoir des soins ou non, « au cas où (il) deviendrait inapte à consentir aux soins ».

« Le Québec a le pouvoir (d'intervenir), en autant que ça va pas trop contre C-14 », a indiqué le Dr L'Espérance.

Il a toutefois reconnu que cela pourrait poser des défis quant à « l'opérationnalisation ».

« C'est facile de le dire, mais à quel moment on va prendre le patient ou la patiente et puis (on va lui dire) : "Ben là, c'est aujourd'hui que ça s'arrête". C'est ça qui est le plus difficile, mais il faut qu'on aille vers ça », a-t-il conclu.