L'expression « docteur bashing » est revenue souvent, vendredi, lors du congrès annuel du Collège des médecins auquel La Presse a assisté à Québec. Ils cherchent aujourd'hui à retrouver «le sens de la profession», notamment en demeurant « humbles » et en acceptant la critique.

« L'EMPIRE DU MAL »

« Je suis l'un des principaux représentants de l'empire du Mal », a lancé à la blague le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), en guise d'introduction à son allocution traitant de l'image publique des médecins, particulièrement malmenée ces dernières années. L'assistance composée de plusieurs dizaines de médecins a ri de bon coeur, mais le ton est vite redevenu sérieux. « Les Québécois adorent leur médecin, mais ont développé une relation amour-haine envers la profession médicale », constate le Dr Godin.

UN MINISTRE « DÉTESTÉ »

Alors que « tout le monde pense » que le gouvernement sortant de Philippe Couillard a favorisé les médecins puisque le premier ministre et son ministre de la Santé, Gaétan Barrette, sont eux-mêmes docteurs, « on n'a jamais eu un ministre de la Santé aussi détesté par les médecins de famille que Gaétan Barrette », a-t-il fait valoir. Plusieurs dans l'assistance ont alors opiné de la tête.

L'EXPLOSION DE LA CRITIQUE

Aux yeux du Dr Godin, le « docteur bashing » a toutefois commencé bien avant l'arrivée au pouvoir de celui qu'il désigne par son prénom uniquement : « Gaétan ». Des voix se sont élevées « au tournant de 2010 » pour remettre en question la rémunération des médecins en Colombie-Britannique et en Ontario lorsque ces provinces étaient en négociations avec ces derniers. Puis, lors du premier budget du gouvernement minoritaire de Pauline Marois, le débat s'est transporté au Québec, alors que des médias se sont mis à demander si la rémunération des médecins exerçait un « poids trop important » sur les finances publiques.

« Après l'élection des libéraux, cela a été l'explosion de la critique. En décembre 2014, les médecins de famille sont devenus des êtres paresseux dont la seule préoccupation était de rentrer chez eux à 16 h. » - Le Dr Louis Godin

« IL FAUT DEMEURER HUMBLES »

Depuis le récent changement de gouvernement, « il y a un sentiment de soulagement chez les médecins », a ajouté le Dr Godin. Sauf que l'enjeu de l'accès aux soins reste entier, a-t-il souligné. Les médecins doivent travailler à regagner le respect de la population. « On doit mettre de l'avant ce qu'on fait de bien, parce qu'on en a fait, des choses bien », suggère-t-il. Le représentant des médecins de famille tire une « leçon » des derniers mois : « Il faut demeurer humbles et accepter qu'on soit critiqués. Les Québécois aiment l'humilité. »

INTROSPECTION

« Quand je pense aux dernières années, je me dis que si le gouvernement précédent a imposé des réformes centralisatrices, s'il a souvent malmené la pratique médicale, il y a plusieurs raisons. Et il y en a une, je crois, qu'on doit envisager entre nous. Est-il possible que le gouvernement précédent ait choisi d'agir avec autorité, parce que nous, nous n'avons pas su assez bien agir en équipiers ? », a demandé pour sa part la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), la Dre Diane Francoeur.

UNE PART DU BLÂME

La présidente de la FMSQ croit que les médecins québécois doivent se questionner sur leurs agissements « comme groupe, comme corporation ». « Et évidemment, je le dis en me regardant dans le miroir, considérant la fonction que j'occupe, a-t-elle dit. Je l'admets, j'ai contribué au climat de confrontation. La population ne veut plus ça. Nous ne voulons plus ça. »

LE RETOUR DE L'ÉCOUTE

La Dre Francoeur s'est dite très encouragée par ses premiers échanges avec des représentants du gouvernement de François Legault. « Il est à nouveau possible de mettre toutes les options et solutions sur la table, quelqu'un écoute de l'autre côté », a-t-elle dit, en lançant ainsi une critique à peine voilée envers l'ancien ministre de la Santé, Gaétan Barrette.

RETOUR AUX SOURCES

« Ici, dans la salle, nous nous succédons au chevet des nôtres, du premier au dernier jour de leur vie. Et nous les aidons à surmonter chacune des épreuves entre ces deux extrémités. C'est le sens de la profession médicale, a conclu la Dre Francoeur. Il faut le valoriser. L'antidote au dénigrement se cache dans la pratique. Fermez les téléphones, ne lisez pas les journaux et revenez à l'essentiel, la confiance de votre patient. »

DE L'INTIMIDATION... ENTRE MÉDECINS

Le président sortant de l'Association médicale canadienne, le Dr Laurent Marcoux, a cité un récent sondage qui révèle qu'un peu moins de la moitié des Canadiens (46 %) jugent aujourd'hui que les médecins sont dignes de confiance. Il s'agit d'un recul de 24 % en 10 ans. « Aucune campagne de marketing et de relations publiques ne peut réparer ce qui est en train de se produire », a-t-il dit. À ses yeux, des cas d'intimidation entre médecins - qui tirent leur origine parfois de désaccords sur la question de la rémunération - ont contribué à nuire à la réputation de la profession. « Les médecins sont les leaders du système de santé, ils doivent faire preuve de professionnalisme et d'éthique », a rappelé le Dr Marcoux.

Photo Sarah Mongeau-Birkett, Archives La Presse

La Dre Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec