Une majorité de médecins du pays affirment avoir une bonne santé mentale dans l'ensemble, mais une proportion significative d'entre eux se disent épuisés, dépressifs et même suicidaires, révèle une enquête de l'Association médicale canadienne.

Le sondage national réalisé en ligne auprès de 2547 médecins et 400 résidents en médecine démontre que les taux signalés d'épuisement professionnel et de dépression étaient plus élevés parmi les résidents que chez les médecins en exercice et plus fréquents chez les femmes médecins que chez leurs homologues masculins.

« La mauvaise santé des médecins affecte non seulement les médecins individuellement, mais des études ont montré qu'elle pouvait avoir une incidence sur les soins prodigués aux patients », a prévenu la présidente de l'AMC, la docteure Gigi Osler.

Alors que 82 % des médecins et des résidents ont indiqué qu'ils avaient une résilience élevée, plus d'un sur quatre a signalé des niveaux élevés d'épuisement professionnel et un sur trois a eu un dépistage positif de dépression, ajoute le rapport publié mercredi.

Les médecins résidents étaient 48 % plus susceptibles de déclarer un épuisement professionnel et 95 % plus susceptibles de subir un dépistage positif de dépression que tous les autres groupes de médecins, révèle le sondage. Les médecins en pratique depuis 31 ans ou plus ont signalé le plus haut sentiment de bien-être émotionnel, social et psychologique.

Les femmes médecins étaient plus susceptibles de déclarer un épuisement professionnel et un dépistage positif de dépression que leurs collègues masculins. Mais les femmes médecins ont également signalé un plus grand bien-être émotionnel et psychologique que les hommes dans la profession.

« Pendant des années, nous nous sommes concentrés sur les différents médecins, a déclaré Mme Osler lors d'une entrevue. Mangez bien. Faites de l'exercice. Dormez bien. Entraînez-vous à la pleine conscience. Vous devez vous rendre plus résistant. Et ils l'ont fait. Mais nous constatons toujours ces niveaux élevés d'épuisement professionnel. Je pense donc que cela signifie que les problèmes et les facteurs [...] sont plus profonds que de simples individus. »

Le docteur Murray Erlich, un psychiatre à la retraite de Toronto qui travaille maintenant avec des médecins et d'autres en tant qu'entraîneur de vie, se dit alarmé d'apprendre que 19 % des participants avaient déjà eu des idées suicidaires au cours de leur vie.

« C'est choquant. C'est un nombre très élevé », a déclaré M. Erlich, qui a fourni des services de conseil aux médecins, aux résidents et aux étudiants en médecine par l'intermédiaire du programme de santé des médecins de l'Association médicale de l'Ontario.

Il ajoute que l'épuisement professionnel amène une personne à se sentir épuisée émotionnellement ; à dépersonnaliser l'expérience, comme si elle n'était pas complètement présente ; et à avoir un sentiment d'accomplissement diminué. Le problème peut parfois conduire à la dépression, a-t-il ajouté.

Généralement travaillants et souvent perfectionnistes, les étudiants en médecine, les résidents et les médecins sont poussés à être très performants dans leur domaine, ce qui peut signifier de renoncer à l'équilibre entre la vie et le temps consacré aux soins personnels, poursuit M. Erlich.

« Cela nous aide à construire ce vernis [...] pour avoir une apparence saine, bonne et au-dessus de tout », a-t-il dit. Mais en même temps, il a entendu de nombreux médecins dire qu'ils se sentaient comme des imposteurs, peu importe leur capacité ou leur compétence.

En partie, cela peut découler des exigences de leur travail ou de leur programme clinique, notamment de lourdes charges de patients, d'une diminution des ressources et d'une multiplication écrasante des informations médicales que peu de médecins et stagiaires peuvent assimiler, a dit M. Erlich.

« Donc, je pense que cela nourrit ce sentiment que peu importe à quel point je suis bon, peut-être que je ne suis pas assez bon. »

Cependant, l'enquête a révélé que, si 81 % des participants ont déclaré être au courant de la disponibilité des services de santé pour les médecins, seulement 15 % ont indiqué y avoir eu accès au cours des cinq années précédentes.

Parmi les raisons les plus citées pour ne pas avoir recours à de tels services, il y avait la conviction que leur situation n'était pas assez grave et la honte de demander de l'aide.

« La stigmatisation existe, a expliqué M. Erlich. Et je pense qu'il y a aussi une crainte de la honte et de la gêne ».

Il ajoute que les problèmes de santé mentale pouvaient également avoir des répercussions sur le plan professionnel, y compris des interventions potentielles d'un collège provincial de médecins et de chirurgiens qui pourraient affecter la capacité d'un médecin à exercer.

La docteure Osler dit que les problèmes systémiques dans le système de santé - par exemple, les patients ayant des problèmes de santé mentale, mais ayant trop peu de ressources pour leurs soins ; et un nombre croissant de personnes âgées souffrant de multiples problèmes de santé, mais une pénurie de lits de soins de longue durée - sont hors du contrôle du médecin, mais peuvent contribuer à l'épuisement professionnel et à la dépression.

« Si vous êtes un médecin empreint de compassion et d'empathie et que vous souhaitez aider ces personnes, cela vous épuise. Cela devient vraiment épuisant, a-t-elle expliqué. Il est facile de dire aux gens de s'endurcir. Il est plus difficile de procéder aux grands changements systémiques. »

Dans une politique sur la santé des médecins adoptée en décembre, l'AMC formule un certain nombre de recommandations, notamment que les médecins individuels « s'engagent à créer des environnements favorables au travail et à la formation » et que les gouvernements adoptent pour les médecins des « normes de bien-être du point de vue de la santé au travail similaires à celles des autres travailleurs canadiens ».

L'AMC, qui représente environ 85 000 médecins, résidents et étudiants en médecine du Canada, a également embauché un vice-président à la santé et au bien-être des médecins.