L'Association des chirurgiens dentistes du Québec (ACDQ) a officialisé jeudi matin le retrait des dentistes du régime public de soins dentaires. Le ministère de la Santé entend publier d'ici vendredi un arrêt ministériel pour contrer cette démarche.

L'ACDQ a déposé une première série d'environ 2000 avis de retrait de dentistes du régime public de soins dentaires à la Régie de l'assurance maladie du Québec. Ce geste «vise à sortir les négociations avec le ministère de la Santé du cul-de-sac dans lequel elles se trouvent», a laissé savoir le Dr Serge Langlois, président de l'Association. 

Plus de 630 000 personnes seraient privées de soins gratuits dans 30 jours à compter de jeudi si la mesure devenait effective.

Une seconde série de formulaires de retrait sera déposée d'ici la fin de la période de vacances. «La grande majorité des membres de l'ACDQ a formellement confirmé leur intention de faire parvenir sous peu leur avis de non-participation au régime public», a déclaré le Dr Langlois, précisant ensuite qu'au total, environ deux tiers des membres souhaitent se retirer.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux prévoit émettre un arrêté ministériel «afin d'assurer la couverture des services», a indiqué le cabinet du ministre Barrette, dans un courriel à La Presse. «Ce ne sera pas possible pour les dentistes de se retirer unilatéralement du régime public, a commenté le ministre Gaétan Barrette plus tard dans la journée. Je ne peux pas accepter que ces gens soient pris en otage sur la base de négociations, alors que la négociation peut très bien se faire sans ça.»

Des négociations qui stagnent

Une dizaine de rencontres ont eu lieu entre les deux parties depuis le début des négociations. La question des frais d'exploitation des cabinets dentaires fait partie des enjeux problématiques. Selon l'ACDQ, il existe un manque à gagner de 20% entre les tarifs habituels des dentistes et ce que le gouvernement rembourse pour les mêmes actes prodigués auprès des personnes couvertes par le régime public d'assurance. 

Selon le ministre Barrette, le noeud de ces négociations réside dans les «questions d'argent». «Ce qui semble être l'enjeu, de toute évidence, c'est l'enjeu monétaire», a-t-il dit. Les dentistes, d'après ses propos, voudraient être mieux rémunérés, mais la comparaison avec les tarifs dans le secteur privé pour demander un salaire plus élevé n'a pas sa place, a ajouté Gaétan Barrette. 

Le gouvernement souhaiterait aussi notamment imposer une réduction de rémunération de 12% aux dentistes, selon le Dr Serge Langlois. Tout en disant ne pas souhaiter «mener les négociations sur la place publique», le ministre de la Santé a réfuté en bloc ces affirmations. «Ce qu'il vous dit, c'est faux, a contesté Gaétan Barrette. Nous ne demandons pas aux dentistes de baisser leur rémunération. Mais je demande aux dentistes de mettre au maximum cartes sur table quand vient le moment de déterminer les coûts.»

Sans couvertures, sauf pour les urgences

Selon l'entente actuelle entre l'ACDQ et le gouvernement québécois, échue depuis 2015, les soins dentaires des enfants de moins de 10 ans et des prestataires de l'aide sociale sont couverts par l'État. 

Le retrait des dentistes du régime public laisserait les personnes assurées sans couverture pour leurs soins dentaires, sauf en ce qui concerne les urgences. Mais l'ACDQ affirme que ce moyen de pression n'aura pas à se concrétiser si une entente est convenue entre les dentistes et le gouvernement. L'arrêté ministériel mettra un frein à la démarche, ce qui laisse planer un flou quant à la suite des négociations. 

Ce n'est pas la première fois qu'une telle situation survient. Lors de sa négociation, l'Association des optométristes du Québec (AOQ) avait été visée par un arrêté après avoir voté en février dernier pour se désaffilier du régime public. Les optométristes avaient ensuite déposé devant la Cour supérieure une demande de pourvoi en contrôle judiciaire pour le faire invalider.

Mardi dernier, les dentistes réclamaient que le premier ministre Philippe Couillard intervienne dans les négociations du régime public de soins dentaires et s'interpose entre eux et le ministre de la Santé. «L'immobilisme» du ministre Barrette empêche d'avancer dans les négociations selon l'ACDQ.

L'Association représente près de 4300 chirurgiens dentistes au Québec, dont 3600 dentistes participant au régime public de soins dentaires.