Le Guichet d'accès à un médecin de famille (GAMF) comporte des «failles» qui se traduisent par de longs délais d'attente et une mise en priorité parfois inadéquate des personnes.

C'est ce que révèle le Protecteur du citoyen ce mardi matin dans un rapport d'enquête réalisé à la suite de nombreuses plaintes et de signalements concernant ce système mis en place par le ministère de la Santé et des Services sociaux en 2016 pour favoriser l'accès à un médecin de famille.

Ce système vise à faciliter l'atteinte de la cible pour l'inscription des Québécois auprès d'un médecin de famille - fixée à 85% de la population par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette. À cette date, le taux d'inscription moyen pour l'ensemble des régions était de 78,3%. À Montréal, il n'était que de 66%.

Rappelons que cette cible de 85% n'a pas été atteinte comme prévu le 31 décembre dernier.

La protectrice du Citoyen Marie Rinfret estime que les «lacunes» identifiées pourraient expliquer l'échec de l'atteinte de cette cible ministérielle.

Ainsi, le formulaire du GAMF ne comporte aucune question sur la médication, sur l'utilisation de services spécialisés ou sur le suivi de maladies chroniques. De plus, certains diagnostics n'y sont pas mentionnés et il est impossible d'y ajouter de l'information. «Cela fait en sorte que les personnes qui s'y enregistrent ne sont pas toujours priorisées comme elles le devraient», indique Mme Rinfret dans son rapport d'enquête de 11 pages.

Une fois enregistrées, les personnes peuvent en principe bénéficier d'une évaluation clinique. Or, dans certaines régions, faute de personnel infirmier, cette évaluation est impossible. «Cela accroît les problèmes de priorisation des demandes», ajoute le Protecteur du citoyen.

Le Protecteur du citoyen révèle également que des personnes peuvent attendre plusieurs mois avant d'obtenir un premier rendez-vous. «Dans l'intervalle, elles ne sont plus disponibles pour être attribuées à un autre médecin qui pourrait être susceptible de procéder plus rapidement à leur prise en charge», souligne-t-il.

Le Protecteur du citoyen affirme de surcroît que le partage géographique entre les territoires pour l'attribution d'un médecin de famille n'est pas «optimal». Le taux d'inscription est très variable, allant de 63,5% pour le Nord-de-l'île-de-Montréal à 91,3% pour Chaudière-Appalaches.

La participation « volontaire » des médecins problématique

Un médecin n'a pas l'obligation de recourir au GAMF pour recruter des patients, explique la protectrice du citoyen. Or, cette participation volontaire est jugée comme un problème par plusieurs.

La région de Montréal «serait la plus problématique» à cet égard. «En effet, l'attribution de patients dans cette région est presque exclusivement faite de façon particulière afin de pouvoir respecter les demandes spécifiques des médecins (origine ethnique, âge ou problématique de santé spécifique», relève Mme Rinfret qui rappelle que le régime public est universel et que la loi prévoit que toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux. 

Le Protecteur du citoyen recommande au ministère de la Santé et des Services sociaux que la priorisation des personnes enregistrées au GAMF reflète leur état de santé. Il suggère aussi que les personnes à qui on attribue un médecin soient réintroduites au GAMF à leur date d'enregistrement initiale si elles ne sont pas inscrites auprès de ce médecin dans un délai maximum de 60 jours. De plus, l'attribution auprès d'un médecin de famille d'une région donnée devrait être permise au-delà de certaines limites géographiques, conclut le Protecteur du citoyen.

Le sujet a rebondi à la période de questions de l'Assemblée nationale cet après-midi, où l'opposition a demandé au ,inistre Barrette de corriger les lacunes soulevées par la protectrice du citoyen le plus rapidement possible.

La députée péquiste Diane Lamarre a qualifié le rapport d'«accablant» avant de souligner que des personnes atteintes de cancers actifs, ayant besoin de soins palliatifs et des femmes enceintes inscrits au guichet attendent présentement pour avoir accès à un médecin de famille malgré le fait qu'ils aient la cote de priorité A (3304 personnes selon les dernières données disponibles).

Le ministre Barrette a répondu que le guichet est un «succès» puisque davantage de personnes ont aujourd'hui accès à un médecin de famille. Le ministre de la Santé s'est engagé à «écouter» les suggestions de la protectrice du citoyen en ajoutant que ce sont des «éléments» sur lesquels son ministère travaillait déjà.

«L'implantation du guichet d'accès à un médecin de famille a mal été conçu par le ministre Gaétan Barrette», affirme pour sa part le député de la Coalition avenir Québec (CAQ) François Paradis qui demande au gouvernement de «rapidement corriger le tir afin que le GAMF devienne plus souple, efficace et transparent».

«La CAQ déplore que personne ne se soit placé dans la peau des patients orphelins qui s'inscrivent au guichet pour trouver un médecin de famille, a poursuivi M. Paradis dans une réponse transmise par courriel à La Presse. Certains patients vulnérables attendent depuis des années sans aucune nouvelle.»