Alors que 70 % des Canadiens n'ont pas accès à des soins palliatifs de qualité, un institut voué à l'avancement des soins palliatifs à travers l'éducation, la transmission du savoir et la recherche voit le jour dans la métropole. Le lancement de l'Institut de soins palliatifs de Montréal - financé entièrement par des dons privés - a lieu ce matin.

« Personne n'échappe à la mort. Or, mourir est aujourd'hui perçu comme un problème médical, alors que ce devrait être un enjeu social. »

Teresa Dellar a développé cette vision alors qu'elle était travailleuse sociale en oncologie et en soins palliatifs à l'hôpital général du Lakeshore. « Tout le monde devrait avoir accès à des soins palliatifs de qualité, peu importe où on vit, et ça passe par avoir le droit de mourir dans sa communauté, dans un environnement moins aride que l'hôpital », poursuit celle qui a cofondé, il y a 16 ans, la Résidence de soins palliatifs de l'Ouest-de-l'Île dont elle est toujours directrice générale.

La femme de 56 ans annoncera aujourd'hui la création de l'Institut de soins palliatifs de Montréal - rattaché à la Résidence - lors d'une conférence de presse aux côtés du ministre de la Santé et des Services sociaux Gaétan Barrette et du Dr Bernard Lapointe, titulaire de la Chaire Eric M. Flanders en médecine palliative de l'Université McGill. Ce dernier présidera le comité consultatif du nouvel Institut.

RESPECTER LE CHOIX DES PATIENTS

En entrevue avec La Presse, Mme Dellar nous confie son rêve de voir tous les Québécois avoir accès à des soins palliatifs de qualité, comme tous ont accès - s'ils répondent aux critères de la loi - à l'aide médicale à mourir.

Mme Dellar ne juge pas les patients qui demandent l'aide médicale à mourir. Elle craint toutefois que certains ne la demandent parce qu'ils n'ont pas accès aux soins palliatifs ou encore parce qu'ils ignorent en quoi les soins palliatifs consistent.

À sa résidence, si un patient demande l'aide médicale à mourir, son choix est respecté, insiste-t-elle, mais il sera transféré à l'hôpital général du Lakeshore pour la recevoir.

« Il y a un grand travail d'éducation à faire sur les soins palliatifs. Pour la plupart des gens, le terme "palliatif" est lié exclusivement à la prestation de soins non curatifs à des personnes en phase terminale à qui il ne reste que quelques jours à vivre. » - Teresa Dellar

À ses yeux, il faut élargir la définition de « palliatif » et ainsi offrir aux personnes vieillissantes et à celles qui souffrent de maladies chroniques et mortelles des soins palliatifs, en plus de leurs soins curatifs.

En d'autres mots : reconnaître que les patients atteints d'une maladie grave ont bon nombre d'autres besoins physiques, émotionnels et sociaux qui méritent une attention particulière pour rendre leur vie moins douloureuse ou difficile.

L'idée, ce n'est pas d'ouvrir « toujours plus de lits » en soins palliatifs dans les hôpitaux, précise-t-elle, même s'il est vrai qu'il en manque à l'heure actuelle.

« On peut offrir des soins palliatifs dans les hôpitaux et les CHSLD, bien sûr, mais certaines personnes pourraient rester plus longtemps à la maison si elles recevaient des soins palliatifs à domicile », dit-elle. Mais pour ce faire, davantage de médecins et d'infirmières doivent s'intéresser aux soins palliatifs, notamment à la prise en charge de la douleur, ajoute-t-elle.

Pour les patients atteints de cancer, des études démontrent que l'intégration des soins palliatifs aux soins oncologiques débouche sur une amélioration considérable de la qualité de vie, notamment un moindre taux de dépression, souligne-t-elle.

DES GAINS POUR L'ÉTAT ?

L'État économise en investissant dans les soins palliatifs de qualité, avance-t-elle. Un lit dans une résidence comme la sienne « coûte » 550 $ par jour, alors qu'un lit dans une unité de soins intensifs d'un hôpital coûte près du double, affirme Mme Dellar. Un rapport de l'Institut canadien d'information sur la santé indique que près de la moitié (45 %) des 76 000 décès annuels des suites du cancer au Canada ont lieu dans l'unité de soins intensifs d'un hôpital, alors que près du quart (22 %) des patients admis l'étaient sur le seul diagnostic de soins palliatifs, cite-t-elle.

La Résidence de soins palliatifs de l'Ouest-de-l'Île - à laquelle sera rattaché l'Institut - obtient le tiers de son budget de fonctionnement annuel de la part du gouvernement du Québec. Le reste, soit plus de 3,5 millions chaque année, provient de dons d'entreprises, de particuliers, de fondations et d'activités de financement. L'Institut aura besoin d'un demi-million par an pour les trois prochaines années pour démarrer et compte sur les dons privés pour y parvenir. La Résidence a accueilli 3800 patients depuis sa fondation il y a 16 ans.