Le Centre antipoison du Québec serait dans une situation «critique». Ses médecins craignent une rupture de services, à cause d'un manque d'effectifs. Et le syndicat des infirmières, affilié à la FIQ, s'en inquiète aussi.

L'équipe des médecins toxicologues, de même que la directrice médicale de ce centre spécialisé qui répond aux questions du public et des médecins, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, se disent inquiets de voir leurs infirmières spécialisées quitter.

Au cours d'une entrevue, mardi, la directrice médicale, Maude St-Onge, a demandé au ministère de la Santé et des Services sociaux un budget lui permettant d'embaucher l'équivalent de 5,6 postes à temps complet d'infirmières. Elle souhaite aussi que l'on rétablisse la prime de soins critiques qui leur était versée.

Cette prime de soins critiques pouvait représenter 12 à 14 % du salaire. En la perdant, ces «infirmières à la réponse» sont tentées de quitter le Centre antipoison, a fait valoir la docteure St-Onge.

Les quatre médecins toxicologues du Centre antipoison ont d'ailleurs signé une lettre pour dénoncer la situation. Ils craignent une rupture de services si rien n'est fait.

«C'est soit des journées complètes où il n'y a personne à la réponse, soit une partie significative qui retombe sur les épaules des médecins toxicologues. Actuellement, les trois quarts des appels, ce sont les infirmières à la réponse qui les traitent, avec un excellent jugement et une excellente expertise. Les médecins toxicologues, on est seulement quatre et on ne répond déjà pas à la demande; on est seulement à 50 % de nos effectifs», a justifié la docteure St-Onge.

«C'est vraiment un cri du coeur, c'est vraiment un cri d'alarme, parce que, honnêtement, je ne vois pas comment on va être capable de donner un service adéquat», a-t-elle ajouté.

Pour 20 infirmières

Au cours d'une entrevue, la présidente du Syndicat des professionnelles en soins de la Capitale nationale, Patricia Lajoie, s'est montrée tout aussi inquiète. Le Centre antipoison relève du CIUSSS de la Capitale nationale.

Elle souligne que la fameuse prime pour les soins critiques était versée depuis 12 ans, sans problème, pour compenser l'expertise exigée de ces infirmières, qui doivent même conseiller des médecins aux soins intensifs qui ont besoin de connaître les antidotes en cas d'intoxication. En plus de leur formation pointue, ces infirmières doivent être bilingues.

Or, explique Mme Lajoie, le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale nationale a décidé de leur retirer cette prime, parce que ces infirmières ne correspondaient pas aux critères requis de la prime de «soins critiques».

Il ne s'agit pourtant que de 20 infirmières et d'une prime qui représente 12 à 14 % de leur salaire, a souligné Mme Lajoie.

Elle espère que le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, saura convaincre le CIUSSS de la Capitale nationale de rétablir la prime et de combler les effectifs requis d'infirmières.

Des décisions irrationnelles

À son tour, l'opposition officielle à l'Assemblée nationale s'est insurgée de la situation. La porte-parole péquiste pour les dossiers de santé, Diane Lamarre, y a vu une autre indication de l'effet des restrictions budgétaires répétées imposées aux établissements de santé et institutions. «Ça amène des décisions irrationnelles, menaçantes», a-t-elle dit.

«Quand on voit l'ensemble des primes qui sont données, sans nécessairement de reddition de comptes, aux médecins, et qu'on constate que pour un petit enjeu comme celui-là - 194 000 $ - on risque de faire en sorte que le Centre antipoison soit complètement vidé de ses ressources...» a déploré Mme Lamarre.

La députée péquiste a repoussé l'idée qu'il appartienne au seul CIUSSS de la Capitale nationale d'agir, en rappelant que le Centre antipoison a une vocation nationale. «C'est le ministre qui doit donner la réponse», a-t-elle martelé.

Le centre emploie 20 personnes et répond à 325 appels par jour. Il a traité 45 991 cas en 2015, 47 375 en 2016 et 48 912 en 2017.