Après des années d'attente, Québec revoit finalement les normes de sécurité dans les quelque 2000 résidences pour personnes âgées. Il les resserre pour la grande majorité d'entre elles, soit celles qui hébergent des aînés ayant une perte d'autonomie importante. Mais il les assouplit dans le cas des établissements pour personnes autonomes, a appris La Presse. Québec permettra ainsi à des bénévoles ou à des résidants d'y être chargés de la surveillance, le jour comme la nuit.

LES SUITES DE LA TRAGÉDIE DE L'ISLE-VERTE

Québec jongle depuis environ trois ans avec un projet de révision des normes de sécurité dans les résidences pour personnes âgées. L'élément déclencheur a été la tragédie survenue à la Résidence du Havre de L'Isle-Verte, où 32 personnes ont péri dans un incendie en janvier 2014. Entériné par le Conseil des ministres la semaine dernière, un nouveau règlement sur la certification des résidences pour aînés sera publié aujourd'hui dans la Gazette officielle du Québec. Ce document définit entre autres les règles relatives à la présence de personnes responsables de la surveillance en tout temps dans une résidence. Selon le règlement en vigueur à l'heure actuelle et adopté en 2013, au moins un préposé aux bénéficiaires doit être présent en tout temps sur les lieux, que la clientèle soit autonome ou non.

À GÉOMÉTRIE VARIABLE

Pour bien comprendre les changements, il faut savoir que Québec classe les résidences en quatre catégories, selon les services offerts et, en principe, le degré d'autonomie des personnes hébergées. Plus les aînés ont besoin de soins, plus les normes de sécurité sont élevées. Et ces dernières sont adaptées en fonction de la taille de l'établissement. Le nouveau règlement revoit à la baisse les normes pour les résidences pour aînés autonomes, mais à la hausse dans le cas des établissements pour personnes en perte d'autonomie plus importante.

RÉSIDENCES POUR AÎNÉS AUTONOMES

La catégorie 1 regroupe les résidences pour aînés autonomes, au nombre de 150 environ. Québec veut qu'une personne majeure soit présente en tout temps dans l'établissement pour en assurer la surveillance. Cette personne peut être un membre du personnel ou - et c'est une nouveauté - un bénévole, un résidant ou un locataire. Ces personnes devront avoir une formation en réanimation cardiorespiratoire, en secourisme général et sur les principes de déplacement sécuritaire des personnes. Le Regroupement québécois des résidences pour personnes âgées avait demandé au gouvernement de permettre le recours aux bénévoles et aux résidants afin d'assurer « la survie d'un paquet de résidences où des gens sont à revenus modiques ».

99 UNITÉS D'HABITATION OU MOINS

RÈGLEMENT ACTUEL : s'assurer qu'un préposé ou une personne majeure soit disponible en tout temps pour intervenir sans délai en cas d'urgence.

NOUVEAU RÈGLEMENT : un surveillant, un bénévole, un résidant ou un locataire présent sur les lieux.

DE 100 À 199 UNITÉS

RÈGLEMENT ACTUEL : un préposé aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : un surveillant ou deux bénévoles, résidants ou locataires

200 UNITÉS OU PLUS

RÈGLEMENT ACTUEL : deux préposés aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : deux surveillants ou trois bénévoles, résidants ou locataires

RÉSIDENCES DISTRIBUANT DES MÉDICAMENTS

Pour la catégorie 2, il s'agit de résidences qui offrent, en plus des services de repas ou d'aide domestique, la distribution de médicaments. Elles sont peu nombreuses, quelques dizaines.

199 UNITÉS OU MOINS (SAUF LES TRÈS PETITES)

RÈGLEMENT ACTUEL : un préposé aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : un surveillant

200 UNITÉS OU PLUS

RÈGLEMENT ACTUEL : deux préposés aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : deux surveillants

RÉSIDENCES AVEC SERVICES D'ASSISTANCE

Dans la catégorie 3, les résidences donnent davantage de services d'assistance personnelle. Elles sont plus de 200.

99 UNITÉS OU MOINS (SAUF LES TRÈS PETITES)

RÈGLEMENT ACTUEL : un préposé aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : un préposé aux bénéficiaires

DE 100 À 199 UNITÉS

RÈGLEMENT ACTUEL : deux préposés aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : un préposé et un surveillant

200 UNITÉS OU PLUS

RÈGLEMENT ACTUEL : trois préposés aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : deux surveillants et un préposé

RÉSIDENCES OFFRANT DES SOINS INFIRMIERS

C'est dans la catégorie 4 que se retrouve la grande majorité des résidences pour personnes âgées, environ 1400. Leurs résidants ont une perte d'autonomie importante et bénéficient de soins infirmiers. Québec y rehausse les normes de surveillance.

49 UNITÉS OU MOINS

RÈGLEMENT ACTUEL : un préposé aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : un préposé aux bénéficiaires

DE 50 À 99 UNITÉS

RÈGLEMENT ACTUEL : un préposé aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : deux préposés aux bénéficiaires

DE 100 À 199 UNITÉS

RÈGLEMENT ACTUEL :  deux préposés aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : trois préposés aux bénéficiaires

200 UNITÉS OU PLUS

RÈGLEMENT ACTUEL : trois préposés aux bénéficiaires

NOUVEAU RÈGLEMENT : quatre préposés aux bénéficiaires

SANS OUBLIER LES GICLEURS

Les normes de surveillance s'ajoutent à la réglementation concernant les gicleurs. Québec a décidé en 2015 d'obliger les résidences, à l'exception des très petites, à en être munies d'ici décembre 2020. En janvier, il a annoncé que l'État assumerait toute la facture de l'opération pour la grande majorité des résidences. Les autres, celles qui sont plus grosses, ont droit à une bonification de l'aide gouvernementale. Le coroner qui avait enquêté sur le drame de L'Isle-Verte avait recommandé d'obliger les résidences à avoir des gicleurs - la moitié n'en ont toujours pas.

Dans son rapport rendu public en février 2015, Cyrille Delâge demandait également d'établir « des normes pour ce qui est du personnel de jour et de nuit qui sont conformes à la réalité ». Le seuil minimum d'un préposé pour 100 résidants, qui avait été adopté en 2013, ne lui apparaissait « pas très logique ». « Il faut une combinaison de mesures protectrices pour avoir une chance de réussite : non seulement des gicleurs », mais aussi, par exemple, « un personnel qualifié en nombre suffisant », insistait M. Delâge, qui est mort en mars 2016.