Malgré le retrait du FCKD UP, plusieurs autres boissons sucrées à haute teneur en alcool sont toujours offertes sur le marché.

Le FCKD UP, rappelons-le, pourrait être à l'origine de la mort d'Athena Gervais, une adolescente de 14 ans retrouvée morte dans un ruisseau à Laval, jeudi dernier.

La Presse a pu constater que plusieurs boissons alcoolisées sucrées à forte teneur en alcool étaient toujours en vente notamment dans les dépanneurs de la chaîne Couche-Tard. C'est le cas du REV UP, une boisson à 10% d'alcool produite par la même entreprise qui fabrique le FCKD UP. Celle-ci contient également du guarana, une plante avec une forte concentration de caféine. 

Vendredi dernier, la chaîne Couche-Tard a annoncé qu'elle cessait la vente du FCKD UP dans ses magasins. Celle-ci n'a pas rappelé La Presse, lundi, au sujet du REV UP.

Selon Hubert Sacy, directeur général d'Éduc'alcool, la problématique est donc loin d'être réglée, même si le groupe Geloso a annoncé qu'il cesserait la production du FCKD UP. «Santé Canada recommande de ne pas mélanger des substances énergisantes et de l'alcool, mais l'agence autorise la vente de produits déjà pré-mélangés. Il n'y a rien qui interdit tout ça, ç'a toujours été fait dans la parfaite légalité», dénonce-t-il.

Au cours d'une conférence de presse, lundi, la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie, Lucie Charlebois, a réagi à la mort de la jeune Athena Gervais, qui aurait consommé deux cannettes de FCKD UP peu avant sa disparition, lundi dernier. Son corps a été retrouvé jeudi dans un ruisseau de Laval.

La ministre a remercié le groupe Geloso d'avoir pris la décision de ne plus fabriquer le FCKD UP, mais du même souffle, elle a également demandé à Santé Canada de revoir ses normes d'homologation pour des boissons alcoolisées sucrées.

La ministre dit aussi attendre un rapport qu'elle a commandé à l'Institut national de santé publique sur la question. Le rapport devrait lui être remis dans les prochaines semaines, a-t-elle précisé.

Hubert Sacy, lui, fulmine quand on lui parle d'un autre rapport. «On n'a pas besoin de rapport pour agir. Le rapport, on l'a chaque vendredi et chaque samedi soir alors que des jeunes se présentent en état de coma éthylique dans les différentes urgences.»

Le directeur d'Éduc'alcool dit espérer que la mort d'Athena Gervais permette «d'éveiller les consciences». «Ne trouvez-vous pas curieux qu'il faille attendre un incident tragique pour que le privé agisse, mais que les gouvernements ne fassent toujours rien? Ça me dépasse.»

D'autres boissons semblables

Rappelons qu'il est interdit au Canada de vendre des boissons alcoolisées auxquelles on ajoute de la caféine. On peut cependant commercialiser des boissons avec des «aromatisants» qui contiennent de la caféine, comme le guarana. Les graines de cette plante sont généralement réduites en poudre pour être diluées dans du liquide.

Comme pour le Four Loko et le FCKD UP, on retrouve aussi du guarana dans le REV UP, qui contient également des arômes naturels et artificiels de vanille-cerise et d'ananas-framboise.

Sur le site internet du groupe Geleso, la boisson REV est décrite comme suit : «Avec son look original, REV est une boisson alcoolisée qui sait plaire à toutes les personnes qui désirent une vie trépidante.»

Le format de 473 ml est décrit comme «la boisson de choix pour ceux qui vivent à 100 milles/heure. Avec son mélange de 7% alc./vol. et d'extrait de guarana, tu peux faire la fête toute la nuit sans t'arrêter.»

Le REV UP, lui, «offre le même bon goût que le REV, mais contient 10% alc./vol.» La cannette de 710 ml aux couleurs vives se vend 4,99 $ chez Couche-Tard. 

D'autres boissons avec une teneur en alcool de 10% sont aussi en vente dans les dépanneurs et épiceries. 

«Ça crève les yeux que ces produits sont destinés aux jeunes. La quantité de sucre ajoutée sert notamment à masquer l'amertume du malt. Les jeunes boivent ainsi sans se rendre vraiment compte qu'ils sont en train de consommer de l'alcool, contrairement à de la bière, par exemple», affirme Hubert Sacy.

Le DG d'Éduc'alcool signale que les États-Unis ont obligé le fabricant de Four Loko à revoir sa recette pour exclure la caféine de son produit. Santé Canada devrait en faire autant, selon lui.

La question préoccupe aussi le sénateur André Pratte, qui a demandé à Santé Canada de se pencher «dès que possible» sur les risques pour la santé des jeunes que représentent les boissons énergisantes alcoolisées.

Le Centre antipoison du Québec a demandé lundi le retrait définitif de boissons comme le FCKD UP et le Four Loko.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Lucie Charlebois

D'autres nouvelles sur le sujet

GELOSO NE RETIRERA PAS LE REV UP 

Le groupe Geloso n'a pas voulu répondre aux questions de La Presse au sujet de ses autres produits offerts sur le marché, notamment le REV UP. Un représentant du groupe nous a plutôt renvoyé à la déclaration écrite du coprésident de l'entreprise, Aldo Geloso, transmise aux médias dimanche. M. Geloso soutient que l'industrie et les détaillants doivent s'unir pour « stopper le retour du Four Loko sur les tablettes québécoises ».

SANTÉ CANADA ÉTUDIE LA QUESTION 

Le cabinet de la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, a préféré ne pas répondre aux questions de La Presse et nous a dirigé vers Santé Canada. De son côté, l'agence fédérale n'a pas voulu indiquer si elle avait l'intention ou non de revoir les normes d'approbation de produits comme le FCKD UP, le Four Loko ou le REV UP, mais elle a indiqué par courriel qu'elle se penchait sur le dossier avec le gouvernement du Québec. Un porte-parole a aussi précisé que Santé Canada « fournit aux Canadiens des renseignements sur les risques associés à la consommation d'alcool sur le site Canada.ca et au moyen d'activités courantes de sensibilisation sur le sujet ».

D'AUTRES BOISSONS SUCRÉES 

On retrouve sur les tablettes des dépanneurs et épiceries plusieurs autres boissons sucrées à forte teneur en alcool. C'est le cas notamment de la Hurricane et du Cuba Libre Cola, toutes deux avec une teneur en alcool de 10 %. Selon Hubert Sacy, DG d'Éduc'alcool, ces produits visent notamment les jeunes femmes. « C'est très sucré, on ne goûte pas l'alcool. On ne réalise même pas qu'on est en train de boire de l'alcool. »

LUCIE CHARLEBOIS DEMANDE L'AIDE DES DÉTAILLANTS 

Si elle attend le rapport commandé à l'Institut national de santé publique pour se prononcer sur la question, la ministre Lucie Charlebois a néanmoins invité les détaillants à cesser la vente de boissons alcoolisées sucrées. « J'invite les gens dans les dépanneurs et autres commerces à prendre conscience que si c'était leurs enfants ou leurs petits-enfants, est-ce qu'ils apprécieraient voir les jeunes intoxiqués, voire mourir à consommer ces produits-là ? »

LE FOUR LOKO BIENTÔT DE RETOUR 

En novembre dernier, la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) a demandé à Embouteillage Solar de rappeler les produits Four Loko après avoir découvert que ces boissons avec une teneur en alcool de 11,9 % contenaient de l'alcool éthylique plutôt que de la bière, ce qui est contraire à la réglementation pour la vente dans les dépanneurs et épiceries. On s'attend cependant à ce que le Four Loko soit à nouveau offert, cette fois produit avec du malt.