Un nouveau concept de « maison alzheimer » inspiré de la Hollande accueillera des résidants atteints de la maladie de la mémoire dans un environnement encadré offrant plus de souplesse, où on a recréé un milieu de vie agréable qui n'a rien à voir avec les couloirs ternes des résidences spécialisées. La Presse est allée visiter la Maison L'étincelle, à Verdun, inspirée d'un concept néerlandais.

Un petit café-bistrot, un parc où la nature est verdoyante, une salle à manger comprenant du mobilier tendance, un grand salon avec une télé à écran plat, un foyer où dansent les flammes et une bibliothèque remplie de livres et de jeux de société.

Nous ne sommes pas dans une luxueuse résidence pour retraités, comme on en trouve de plus en plus au Québec, mais plutôt dans la première « maison alzheimer », aménagée à partir des plus récentes recherches en gérontologie réalisées dans le monde.

Tout a été « fabriqué » pour donner l'impression aux résidants, qui ont perdu la notion du temps et de l'espace, qu'ils vivent en milieu urbain, dans un grand bungalow, avec de fausses fenêtres. Le personnel médical ne portera pas l'uniforme habituel. Même chose pour le personnel d'entretien. Rien à voir avec les règles strictes en vigueur dans les établissements de santé et les centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD).

Dans quelques jours, la Maison L'étincelle, à Verdun, un projet financé entièrement par le secteur privé, accueillera ses premiers « locataires ». Pour y habiter, chaque résidant devra payer près du double du loyer mensuel exigé dans un CHSLD ou dans une ressource intermédiaire publique-privée.

Le concept est avant-gardiste. « On veut que nos résidants puissent vivre à leur rythme et prendre leur petit-déjeuner à l'heure qui leur convient, explique le responsable du projet, Sébastien Barrette (dont le père, lui-même atteint de la maladie de la mémoire, laisse filer le temps dans un CHSLD de la région de Lanaudière). On va les encourager à jardiner, dans la cour arrière, et à pelleter de la neige, si c'est là leur désir ! »

« On espère allumer chez eux la petite étincelle, tout en créant un environnement convivial où nos résidants pourront recevoir leur famille à dîner ou à souper, comme s'ils étaient chez eux ! », dit M. Barrette.

La maison hébergera une dizaine de pensionnaires qui seront traités aux petits soins, dans un environnement « personnalisé et maquillé », de façon à leur faire oublier qu'ils vivent dans une résidence spécialisée, entre quatre murs.

« On a dépensé 100 000 $ pour aménager cet espace de vie où on a reproduit, avec des images grandeur nature, une rue, un parc, un café-bistrot », souligne le responsable de la Maison, également associé à la ressource intermédiaire Notre-Dame-de-la-Paix, qui héberge 155 personnes en perte d'autonomie.

« ON FAIT ÇA PARCE QU'ON Y CROIT »

C'est d'ailleurs un espace de la Ressource qui a été transformé pour réaliser ce projet. « On fait ça parce qu'on y croit, précise-t-il. On veut que nos résidants puissent vivre le plus longtemps possible au même endroit, dans leur propre chambre, peu importe leur condition physique et intellectuelle. »

Il insiste sur la qualité d'accompagnement, « qui dépasse largement les standards établis », et il fait valoir qu'il y aura trois fois plus de préposés aux bénéficiaires que dans une ressource intermédiaire publique-privée.

« Nous avons mis l'accent sur la formation de nos employés en faisant appel au Centre d'excellence sur le vieillissement du Québec, relève-t-il. Pour stimuler leur créativité, les résidants auront accès à un éducateur spécialisé tous les jours de la semaine. »

Il songe déjà à ouvrir d'autres « maisons alzheimer » pour reproduire ce modèle novateur, aux côtés de son associé et développeur de projets, Yves Bonneville.

Bientôt un minivillage alzheimer à Québec

Un premier minivillage alzheimer, avec une épicerie, un bistrot et une salle polyvalente, verra le jour à Québec, au début du mois de décembre 2018.

« Les travaux de construction vont bon train et les familles sont nombreuses à demander des informations afin de pouvoir y loger leurs proches atteints de troubles cognitifs », souligne Natalie Paré, PDG du Groupe Résidences du Patrimoine.

« Nous allons aménager, à l'intérieur du bâtiment, 12 petites maisonnées dans lesquelles vont vivre un maximum de 15 personnes », indique Natalie Paré. 

« Ils vont pouvoir faire la lessive, cuisiner, sous la supervision discrète, mais constante d'un préposé, 24 heures sur 24 », dit-elle.

La résidence Humanitae « reproduira le modèle néerlandais, en tenant compte de la réalité québécoise », précise, de son côté, le professeur Philippe Voyer.

« Les résidants auront accès à la cour extérieure, peu importe les saisons, même en hiver, précise-t-il, mais le concept a été conçu afin que les activités se fassent dans l'immeuble, avec des aires de vie laissant entrer la lumière du jour. »

UN PROJET SANS SUBVENTION

Comme c'est le cas pour la Maison L'étincelle, il s'agit d'un projet financé entièrement par le privé (50 millions de dollars), sans l'aide de l'État. « On croit à ce concept qui permet aux personnes atteintes de vivre dans de meilleures conditions », précise la PDG, infirmière de formation et dont la mère est elle-même atteinte de la maladie d'Alzheimer. 

« Ce n'est pas parce qu'on a des troubles de la mémoire qu'on n'est pas capable de plier du linge et de faire des biscuits ! », dit Natalie Paré.

Dans cette résidence, les préposés aux bénéficiaires deviendront des « intervenants », précise la PDG, et on s'attendra à ce qu'ils accompagnent les résidants, qu'ils les aident à accomplir des tâches quotidiennes. « C'est une nouvelle approche. Il faut former nos employés en conséquence », conclut-elle.

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COMBIEN ÇA COÛTE ?


4300 $: Loyer mensuel à la Maison L'étincelle (à Verdun)

4000 À 6500 $: Loyer mensuel à la résidence Humanitae (à Québec)

1900 $: Loyer mensuel dans un CHSLD

1235 $: Loyer mensuel dans une ressource intermédiaire publique-privée

(Il faut noter que les résidences privées pour aînés ne sont pas subventionnées par l'État)

Personnes atteintes d'alzheimer en 2018

• Au Québec : 77 000

• Au Canada : 564 000

Prévisions en 2038

• Au Québec : 150 000

• Au Canada : 1 million

Précision

Ce texte mentionnait préalablement que « pour la première fois au Québec, une "maison alzheimer" accueillera des résidants atteints de la maladie de la mémoire ». Or, c'est plutôt le concept de l'endroit qui soit nouveau.