Vous avez l'impression que l'épidémie de grippe est « plus forte » cette année, autour de vous, car vos collègues de travail s'absentent les uns après les autres ?

Eh bien, ce n'est pas seulement une impression.

« Jusqu'à maintenant, on a clairement une épidémie plus intense que celle de l'an dernier », confirme le médecin épidémiologiste à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) Gaston De Serres.

On recense au Québec depuis quatre semaines près du double de cas d'influenza que lors de la pire semaine de l'épidémie de l'an dernier, souligne M. De Serres.

Ainsi, ces quatre dernières semaines, les hôpitaux de la province ont recensé de 1800 à 2050 cas par semaine, alors que l'an dernier, lors de « la plus grosse » semaine de grippe, il y avait eu moins de 1100 cas.

VERS UNE ÉPIDÉMIE HORS DU COMMUN ?

« L'an dernier, l'épidémie d'influenza a traîné en longueur, explique le médecin. Si on assiste à la même chose cette année, on aura une épidémie hors du commun. »

Depuis le retour des Fêtes, les urgences du Québec sont engorgées, notamment en raison des cas de grippe et de gastro qui se multiplient.

Difficile de savoir si l'épidémie d'influenza s'aggravera encore, ajoute le Dr De Serres. 

« Les chiffres sont stables depuis quelques semaines, mais il peut arriver que ça monte encore un peu. Je pense qu'on est actuellement au coeur de l'épidémie de cette année », dit-il.

On parle de la grippe, mais on devrait parler des grippes, précise le Dr De Serres. Généralement dans une saison hivernale, on assiste à une épidémie d'influenza de type A suivie d'une influenza de type B, indique-t-il. Or, cette année, les deux grippes  - celle de type A et celle de type B - ont commencé en même temps et l'épidémie frappe plus de gens que l'an dernier, explique le médecin.

UN TAUX DE SUCCÈS « PEU RELUISANT »

Le vaccin contre la grippe a atteint un taux de succès de 10 à 20 % contre la souche qui a frappé le plus fort cet hiver, soit la H3N2 (l'une des souches de l'influenza de type A) au Canada, selon un bilan de mi-saison réalisé par des chercheurs un peu partout au pays, dont ceux de l'INSPQ.

Le taux de succès est plus grand - 55 % - pour l'influenza de type B.

Or, au Québec, les deux tiers des personnes touchées par la grippe ont été atteints par la souche A jusqu'à présent, ce qui a fait chuter l'efficacité générale du vaccin.

Pour le Québec, on parle donc d'une protection globale du vaccin de 30 %. 

« Ce n'est pas mauvais, mais ce n'est pas fort. Je dirais que c'est peu reluisant », dit le Dr Gaston De Serres.

Le bénéfice de ce vaccin n'est pas le même pour tout le monde dans la population, poursuit le médecin. Une personne de 80 ans qui contracte la grippe court plus de risques d'atterrir à l'hôpital en raison de complications qu'un trentenaire en santé. Parmi ceux qui se retrouvent à l'hôpital en raison de la grippe, de 5 à 10 % vont en mourir.

Avec un taux de succès « peu reluisant », est-ce que ça vaut la peine de se faire vacciner ? « Réduire le risque de 30 % pour les personnes à haut risque, ça vaut la peine, répond le médecin de l'INSPQ. Pour ceux qui sont jeunes et en santé, ça devient un choix personnel. »

Le Canada et l'Australie ont choisi les mêmes souches pour concocter le vaccin de cette saison. Ce vaccin devait offrir une certaine protection contre des virus de l'influenza de type A - les souches H3N2 et H1N1 - et de type B.

Les résultats de mi-saison obtenus au Canada concordent avec ce qui avait été observé en Australie pendant la plus récente saison de grippe, qui s'est terminée dans l'hémisphère sud à la fin du mois d'août - juste avant le début de la saison de la grippe au Canada.

C'est le même vaccin qui avait été administré au Canada en 2016-2017, et il avait affiché alors un taux de succès de 42 % pour prévenir les infections au virus H3N2. L'efficacité moindre du vaccin cette année laisse croire que le virus a subi une mutation génétique depuis l'an dernier.

- Avec La Presse canadienne