Philippe Couillard demande aux syndicats qui représentent les infirmières de proposer des solutions « pour diminuer [leur] charge de travail ». Le témoignage d'Émilie Ricard, qui travaille dans un CHSLD en Estrie, fait en effet des remous jusqu'à Québec.

« On a négocié avec le syndicat une entente dans laquelle on prévoit plus de postes [d'infirmières] à temps plein. (...) Il n'y a pas d'applications sur les postes alors qu'ils sont disponibles et que tout le budget est là pour le faire. Si ça ne marche pas, que le syndicat nous propose d'autres façons de faire pour diminuer la charge de travail », a affirmé le premier ministre, mercredi, lors de son arrivée au Salon rouge, où se déroule pour deux jours le caucus libéral d'avant session. 

M. Couillard se dit « immensément reconnaissant pour tout le personnel de santé qui est toujours sous pression et qui sera toujours sous pression. » 

« On est dans un système de santé public où tout le temps, dans l'avenir également, les ressources sont toujours pas au même niveau que les besoins. Ça va toujours être le cas dans le domaine de la santé. Les gens qui [y] travaillent sont toujours poussés au maximum, c'est admirable », a-t-il convenu. 

Un cri du coeur viral 

Dans un message publié sur Facebook, qui a été partagé près de 50 000 fois (en date de mercredi matin), Mme Ricard s'est dit « vidée [et] exténuée » à la fin d'un quart de travail pendant lequel elle affirme avoir couru entre 70 et 76 patients avec seulement une infirmière auxiliaire et deux préposées aux bénéficiaires. 

« Je pars de mon quart la tête pleine, car j'ai laissé le patient dans un état instable (...) et que je n'ai pas pu faire toutes mes tâches », a-t-elle écrit. 

« J'ai tellement de stress que je suis courbaturé (sic) partout dans mon dos, assez pour m'empêcher de dormir. Je n'ai pas envie d'aller travailler parce que j'appréhende le fardeau qui m'attend (...). J'arrive chez nous et je pleurs (sic) de fatigue », a poursuivi l'infirmière. 

À Québec, le premier ministre Philippe Couillard, à qui on demandait en mêlée de presse, mercredi, s'il craignait que des témoignages du genre nuisent à l'attrait de la profession d'infirmière, a répondu qu'il y a « des recrutements à chaque année et les programmes de formation au Québec sont pleins. » 

« C'est une formation qui est extrêmement attirante parce qu'elle est une profession de dévouement pour la population. Il y a encore beaucoup de gens qui veulent se dévouer », a-t-il poursuivi. 

C'est aux hôpitaux de faire « leur bout de chemin » 

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, demande quant à lui aux administrateurs d'hôpitaux, « qui souhaitent tous avoir plus d'autonomie », a-t-il dit, de faire « leur bout de chemin. »

« Ce sont eux qui embauchent », a-t-il rappelé quelques minutes après le passage de Philippe Couillard à son arrivée au caucus libéral, à l'Assemblée nationale. 

« On nous a demandé d'avoir plus d'embauches à temps complet [et] on s'est donné des cibles à atteindre. 62 % de postes dotés à temps complet pour les infirmières, 50 % pour les infirmières auxiliaires et 64 % pour les inhalothérapeutes », a-t-il affirmé. 

Mardi, la présidente de la Fédration interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Nancy Bédard, accusait le ministre Barrette d'avoir semé le « chaos » avec sa réforme du système de la santé. 

« Des témoignages comme celui de Mme Riard, on en reçoit beaucoup. C'est beaucoup trop. Les professionnelles en soins sont en détresse », a-t-elle affirmé à La Presse

Selon la direction du CIUSSS de l'Estrie-CHUS, qui a parlé à La Presse, le ratio de 70 patients décrié par l'infirmière Ricard est  conforme « aux recommandations de bonnes pratiques » du ministère de la Santé. La présidente de la FIQ a décrit ce ratio comme étant « inadéquat » et « désuet ». 

En marge du caucus, Gaétan Barrette a affirmé qu'il avait accepté de mener des projets pilotes pour voir s'il est préférable de réduire les ratios, mais que s'il devait suivre les recommandations de la FIQ, « ce sont des milliers de personnes qu'il faudrait engager pour donner suite à cette vision, qui est elle-même débattable ».