Le vaccin administré contre la grippe cette année pourrait n'avoir que 10% d'efficacité, estime un spécialiste des maladies infectieuses. Le docteur Karl Weiss, qui dirige le Service des maladies infectieuses à l'Hôpital général juif de Montréal, affirme que les scientifiques devraient revoir leurs méthodes de prévention contre le virus de la grippe en circulation pour mieux y faire face en période de haute propagation.

« La méthode utilisée actuellement pour déterminer la composition du vaccin est une très vieille méthode », affirme le Dr Weiss. La souche utilisée pour fabriquer le vaccin contre la grippe est déterminée aux mois de février et mars qui précèdent la saison de la grippe à partir du virus en circulation dans l'hémisphère Sud. Cette méthode met beaucoup d'incertitude sur l'efficacité du vaccin fabriqué, qui est efficace contre le virus qu'il cible, estime le Dr Weiss. 

« Si on se trompe dans le type de souche ou si elle change ou mute, on peut se retrouver dans une situation où l'efficacité du vaccin n'est pas bonne », dit-il.

Pour la saison 2017-2018, les scientifiques ont préparé un vaccin en considérant que le virus qui serait en circulation dans l'hémisphère Nord serait le H1N1, selon Karl Weiss. Toutefois, il s'est avéré que le virus le plus répandu actuellement est le H3N2, ce qui pourrait expliquer une efficacité du vaccin potentiellement faible. « Le H3N2 a tendance à donner des maladies plus sévères », dit le Dr Weiss. Un virus plus dangereux et un vaccin moins efficace seraient la combinaison pouvant expliquer le fort achalandage dans les urgences.

À l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), on préfère être prudent sur ce sujet. « Nous recueillons actuellement les données. Nous ne connaîtrons l'efficacité du vaccin que vers la fin janvier », indique le docteur Gaston De Serres, de l'INSPQ, dans un courriel envoyé à La Presse.

Ce n'est pas la première fois que l'efficacité du vaccin contre la grippe n'est pas au rendez-vous. Durant la saison 2014-2015, le vaccin avait une efficacité de 0 %. Deux années plus tard, soit durant la saison 2016-2017, son efficacité s'est nettement améliorée, atteignant 42 %.

UNE SAISON DE LA GRIPPE TRÈS PRÉCOCE

Selon le Dr Weiss, la période des Fêtes a contribué au grand achalandage des établissements de santé du Québec au cours des derniers jours. Toutefois, il estime que la saison de la grippe a également pris les hôpitaux de court. « La saison a frappé tôt cette année et on est déjà dans la phase d'accélération, explique-t-il. De plus, durant la période des Fêtes, l'accès aux services médicaux est limité, soit parce que beaucoup de médecins de famille sont en vacances, soit parce que beaucoup de cliniques sont fermées. Donc, les personnes malades n'ont pas le choix de se rendre dans les hôpitaux. »

L'autre raison apportée par M. Weiss est que la grippe peut déclencher une détérioration liée à d'autres maladies sous-jacentes qui sont plus dangereuses. 

« Pour la majorité des gens, la grippe n'est pas si terrible. Mais au cas où une personne souffrait déjà de problèmes respiratoires ou pulmonaires, la grippe peut les exacerber. À ce moment-là, on a des patients qui se retrouvent à l'hôpital et les urgences se remplissent. »

Rappelons que durant tout le week-end, les urgences des établissements de santé de plusieurs régions du Québec croulaient sous le fort achalandage de patients. Hier encore, le taux d'occupation de la majorité des hôpitaux de Montréal dépassait 100 %.

Taux d'efficacité du vaccin durant les dernières années

• 2016-2017 : 42%

• 2015-2016 : 50%

• 2014-2015 : 0%

• 2013-2014 : 70%

• 2012-2013 : 50%

• 2011-2012 : 60%