Québec s'attaque à l'usage abusif des antipsychotiques - les médicaments «pour calmer» - pour les personnes âgées souffrant de démence dans les centres de soin de longue durée.

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a annoncé jeudi le lancement d'un projet dans 24 Centres d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD) qui sera étendu d'ici trois ans à 317 des 400 CHSLD de la province. Son objectif est ambitieux: réduire de moitié l'usage d'antipsychotiques.

«Il n'y a pas de doute qu'il y a une surutilisation. Donc, à la fin, il doit y avoir une réduction», a affirmé le ministre lors d'une mêlée de presse.

Les antipsychotiques sont très fréquemment prescrits dans les CHSLD pour faire de la «contention pharmacologique», un euphémisme médical qui implique dans les faits de donner un médicament pour que le patient se calme et qu'on n'ait pas besoin de l'immobiliser physiquement.

«Bien des gens critiquent la contention pharmacologique, a reconnu le ministre. Je ne dis pas que les antipsychotiques ne seront plus utilisés, mais on accepte le constat qu'il y en a probablement trop. On veut les réduire à ce qui est vraiment nécessaire.»

Le projet consiste à revoir l'organisation du travail, les méthodes d'intervention lors d'épisodes d'agressivité ou de désorganisation, l'environnement des patients, l'ajout d'approches non pharmacologiques comme la musicothérapie ou la récréothérapie, et une révision de plusieurs autres aspects entourant l'hébergement des personnes âgées.

«Lorsqu'on organise les choses de façon différente, on peut réussir à éviter la médication pour pallier à une problématique comportementale», a fait valoir M. Barrette.

Retrouver un être cher que l'on croyait perdu à jamais

La démarche a été élaborée par la Fondation canadienne pour l'amélioration des services de santé (FCASS), qui l'a mise à l'essai dans 56 établissements de soins de longue durée de huit provinces en 2014-2015 avec des résultats étonnants.

En un an, les établissements concernés ont non seulement vu l'usage d'antipsychotiques réduit ou éliminé chez 54 % des résidants, mais aussi une réduction de 20 pour cent du nombre de chutes et des réductions des accidents, des admissions à l'urgence et des hospitalisations, notamment.

Mais surtout, de dire la présidente-directrice générale de la Fondation, Maureen O'Neill, ces patients ont recouvré une part de leur identité.

«Les familles des résidants qui sont sevrés des antipsychotiques qu'ils prenaient de façon inappropriée nous disent retrouver un être cher qu'ils croyaient avoir perdu à jamais.»

La Fondation note que le milieu est de plus en plus conscient du problème de surprescription, alors qu'en 2015-2016, près du quart (23,9 %) des résidants d'établissements de soins de longue durée se sont vus prescrire des antipsychotiques sans avoir reçu de diagnostic, comparativement à 32 % il y a à peine cinq ans.

Au Québec, entre 40 et 60 % des personnes hébergées de 65 ans et plus prennent des antipsychotiques sans avoir reçu de diagnostic de psychose.

Un premier projet à l'échelle provinciale a été institué au début de 2016 au Nouveau-Brunswick et les résultats y sont aussi probants que ceux enregistrés dans les 56 centres canadiens. La FCASS rapporte que l'usage d'antipsychotiques a été réduit ou complètement éliminé chez 43 % des personnes âgées hébergées.

L'implantation de la démarche au Québec implique des coûts d'environ 2,4 millions, dont la moitié proviennent de la Fondation, l'autre provenant du ministère de la Santé.