Les médecins canadiens prescrivent trop d'antibiotiques et souvent à tort, selon l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), qui tire la sonnette d'alarme.

La consommation à outrance d'antibiotiques peut réduire leur efficacité à long terme et augmenter le risque de résistance aux bactéries.

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«Ça veut dire que ça devient bien plus long, compliqué et difficile de trouver le traitement approprié», souligne Christina Lawand, chercheuse principale à l'ICIS.

Vingt-cinq millions de prescriptions d'antibiotiques ont été remplies au Canada en 2015. Cela équivaut à environ une ordonnance par personne adulte âgée entre 20 à 69 ans.

C'est un tiers de plus que ce que prescrivent les médecins d'autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède.

Le Canada se classe légèrement sous la moyenne des 30 pays membres, et ce, même si la tendance pour la consommation d'antibiotiques est à la baisse.

«Lorsqu'on se compare aux pays qui ont un profil économique similaire, on voit qu'il y a encore du chemin à faire et qu'on peut faire mieux», constate Mme Lawand.

Dans tous les pays de l'OCDE, trois ordonnances d'antibiotiques sur cinq étaient inappropriées pour traiter les symptômes des patients. Elles étaient, par exemple, prescrites pour soulager les maux de gorge et la toux associés au rhume.

L'ICIS veut sensibiliser la communauté médicale à ce phénomène qui pourrait éventuellement mener au développement de superbactéries et avoir de graves conséquences.

L'Institut national de santé publique du Québec constatait, en mai, une hausse des cas de gonorrhée résistante aux antibiotiques. Cette infection transmissible sexuellement est de plus en plus difficile, parfois même impossible, à traiter, selon l'Organisation mondiale de la santé.

Certaines formes de pneumonies, la tuberculose et des bactéries présentes en milieux hospitalier comme la Clostridium difficile résistent également aux antibiotiques.

La C. difficile avait d'ailleurs secoué le réseau de la santé du Québec en 2003-2004, causant la mort de centaines de patients.

«Nous prenons ça très au sérieux», a réagi le président-directeur général du Collège des médecins du Québec, Dr Charles Bernard, tout en admettant que la surprescription d'antibiotiques est un phénomène difficile à contrôler.

«Ça nous inquiète et c'est pour ça qu'on fait des interventions, c'est pour ça qu'on participe à faire des guides (avec le gouvernement du Québec). C'est pour ça qu'on parle aux universités pour former encore mieux nos jeunes», dit-il.

Lorsqu'une inspection professionnelle révèle qu'un médecin prescrit soit trop d'antibiotiques ou une génération d'antibiotiques trop puissants pour le type d'infection à traiter, le Collège des médecins lui demande de suivre une formation et de changer sa pratique.

Il faut également que les patients soient sensibilisés, selon le ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette.

«Il faut que le public comprenne qu'il y a des infections où l'antibiotique ne donnera absolument rien, note-t-il. Il n'y a pas de médicament qui agit contre le virus de la grippe. Les médicaments agissent contre les symptômes associés, mais pas contre le virus lui-même.»

L'Institut national de santé publique du Québec, qui surveille déjà l'incidence des infections nosocomiales, travaille également au développement d'outils pour surveiller la consommation d'antibiotiques.

«On en fait beaucoup, mais peut-être qu'on n'en fait pas suffisamment dans l'information et l'éveil de la population à ce fait-là», admet M. Barrette.

La campagne Choisir avec soin lancée par un groupe de médecins canadiens en 2014 tente d'y remédier. Elle propose, en ligne, des questions que les patients peuvent aborder avec leur médecin sur l'usage des antibiotiques.

Leur surconsommation est un phénomène qui dépasse les frontières canadiennes. La ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas-Taylor, s'est engagée lors d'une rencontre avec ses homologues du G7, lundi, à lutter contre la résistance aux antibiotiques en mettant en oeuvre un plan d'action national.