Après plus de 20 ans d'études, les finissants en chirurgie générale doivent jouer du coude pour ne pas finir au «chômage médical». Un phénomène largement attribuable à la relève de spécialistes qui n'est pas ouverte à pratiquer en région, selon le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, qui déplore cette situation.

Dans les hôpitaux du Québec, il y a davantage de jeunes spécialistes en chirurgie générale que de postes disponibles, selon les observations de l'Association québécoise en chirurgie (AQC), qui dénombre 16 finissants cette année. Et ces nouveaux chirurgiens sont de plus en plus nombreux à préférer quitter le pays pour décrocher une surspécialité sans garantie de poste à leur retour, ce qui leur vaut le surnom de «fellow kamikaze».

Pourtant, ce ne sont pas les patients qui manquent, au contraire. Mais plutôt les ressources pour opérer, dit-on dans le milieu. Une préoccupation grandissante au point où le Collège royal des médecins et chirurgiens entend dévoiler à l'automne une nouvelle étude sur la «réalité sous-jacente du chômage» chez les chirurgiens au Canada.

«Le plus gros problème, c'est la planification à long terme, estime le président de la Fédération des médecins résidents du Québec, le Dr Christopher Lemieux. On a des blocs opératoires, mais il faut en ouvrir d'autres pour réduire les listes d'attente et s'assurer qu'aucun chirurgien ne se retrouve au chômage.»

«Des hôpitaux vont dire à des finissants qu'ils sont certains d'obtenir une ouverture de poste, mais finalement, ils ne l'ont pas, ajoute-t-il. Ils promettent le poste l'an prochain. Les résidents vont donc se chercher un fellow à l'étranger, et reviennent en surplus l'année suivante pour prendre les postes de ceux qui finissent. C'est une spirale malsaine.»

Chirurgiens à mi-temps

Pendant ce temps, nombreux sont les chirurgiens de la nouvelle génération à tourner le dos aux hôpitaux en région, où il y a des besoins à combler. Le président de l'Association québécoise de chirurgie, le Dr Mario Viens, qui admet la situation, explique que ces postes sont souvent moins intéressants pour les jeunes à cause de la cadence en salles de chirurgie. «Si on ne pratique pas, on perd nos habiletés», résume-t-il. Selon lui, la solution passe d'abord par le départ à la retraite d'une trentaine de chirurgiens actifs âgés de 71 ans et plus.

«Depuis trois ans, nous sommes sur le qui-vive, ajoute le Dr Viens. Et on n'arrive jamais au même constat que le ministère de la Santé. Nous, ce qu'on demande, c'est un projet particulier afin d'instaurer la forme à demi-temps pour les chirurgiens de 65 ans et plus. Ça n'existe pas à l'heure actuelle. On pense que ce serait une solution à court et à moyen terme, et ça permettrait à la relève une forme de chevauchement avec les plus anciens. Il faut trouver le juste milieu.»

Lors d'un entretien avec La Presse, le ministre Barrette a expliqué qu'il faudrait que des chirurgiens à l'extérieur des grands centres acceptent de couvrir un large territoire. «Si on prend Matane, par exemple. C'est vrai que le flot de patients n'est pas toujours élevé dans les salles de chirurgie. Il n'y a pas la population. Mais la réalité est différente si un chirurgien accepte d'opérer à Rimouski et à Rivière-du-Loup. C'est le même portrait pour d'autres villes, comme Amqui.»

En ce qui concerne les chirurgiens plus âgés, le ministre Barrette explique qu'un système de pratique à mi-temps sera à l'essai dans un hôpital de Montréal, à l'automne. Sans trop vouloir s'avancer, il ajoute qu'il faut procéder au «cas par cas» et qu'il ne faut par oublier qu'en vertu de la loi, des soins médicaux doivent être offerts équitablement dans toutes les régions.

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Ouverture de salles de chirurgie

Afin de réduire le temps d'attente pour obtenir une chirurgie, le ministre Gaétan Barrette a annoncé, l'automne dernier, 20 millions de dollars pour augmenter le nombre de salles de chirurgie au Québec. Chemin faisant, des salles sont vouées à être ouvertes dans une dizaine d'hôpitaux, dont le Centre hospitalier de l'Université de Montréal, le Centre universitaire de santé McGill, l'Hôpital général juif et le centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont. Dans la région de l'Outaouais aussi.

Selon les prévisions du ministère de la Santé, les investissements permettront de procéder à environ 22 450 interventions chirurgicales de plus chaque année. Les dernières données ministérielles disponibles démontrent que 94 707 personnes attendent une opération à l'heure actuelle au Québec. De ce nombre, 13 215 patients attendent depuis plus de six mois.