Si le Canada peine à atteindre sa cible d'un taux de vaccination de 95% pour ses enfants, ce n'est pas principalement la faute des parents qui rejettent totalement la vaccination, mais également à cause de parents hésitants qui estiment que le risque que leur enfant contracte ces maladies est trop faible pour qu'un vaccin soit nécessaire ou qui s'estiment trop occupés pour avoir le temps d'assurer l'immunisation de leur progéniture, révèle un rapport de l'Institut C.D. Howe qui sera publié jeudi.

Une petite proportion de Canadiens (2%) ont une position «anti-vaccins». «Ils ne sont pas les principaux responsables du taux de vaccination insuffisant observé au Canada, et trop d'énergies sont consacrées actuellement pour tenter de les convaincre de l'importance de la vaccination, estiment les chercheurs Colin Busby, Aaron Jacobs et Ramya Muthukumaran. Une stratégie plus porteuse serait de viser le large groupe de parents hésitants, dont les enfants reçoivent quelques-uns des vaccins ou qui sont en retard dans le calendrier d'immunisation.»

Le taux de vaccination des enfants de 2 ans varie grandement d'une province à l'autre au pays. Mais à l'exception de Terre-Neuve-et-Labrador, aucune province n'atteint le taux de vaccination souhaité de 95%.

Plusieurs raisons

Selon les chercheurs, plusieurs raisons poussent les parents à ne pas vacciner complètement leurs enfants, notamment le prix à payer pour manquer une journée de travail. «Le fait que l'accès à un médecin en dehors des heures de travail soit très difficile au pays n'aide en rien ce problème», note Colin Busby dans une lettre publiée hier sur le site internet de l'Institut C.D. Howe.

D'autres parents sont hésitants parce qu'ils se questionnent encore sur la sécurité réelle des vaccins. «En dépit des preuves scientifiques prouvant le contraire, de plus en plus de parents s'inquiètent des risques de la vaccination», constatent les chercheurs.

Le Dr Karl Weiss, microbiologiste et infectiologue à l'Hôpital général juif et président de l'Association des médecins microbiologistes infectiologues du Québec, note lui aussi que certaines personnes continuent de douter des vaccins. Une étude britannique publiée en 1998 et établissant un lien entre autisme et vaccins, pourtant maintes fois démentie depuis, continue de faire peur à certains. «Il y a aussi tous ces discours parlant d'un complot de l'industrie pharmaceutique avec les vaccins. Plusieurs se disent que si de 10 à 15% de ce message est vrai, il faut se méfier», explique le Dr Weiss.

Des vaccins importants

Alors que se tient la Semaine nationale de promotion de la vaccination, plusieurs acteurs rappellent l'importance de se faire vacciner. «Les récentes éclosions de maladies infectieuses sont un puissant rappel des dangers qu'elles posent et le besoin d'augmenter la couverture vaccinale», écrivent les chercheurs de l'Institut C.D. Howe, citant l'épidémie de rougeole de 2011 au Québec qui avait touché 700 personnes.

«Au début du siècle dernier, l'espérance de vie était de 45 ans au Canada, et un enfant sur deux n'atteignait pas 18 ans. Aujourd'hui, on a gagné de 35 à 45 ans d'espérance de vie, et la mortalité infantile est presque nulle. Or, pendant ces années, trois éléments se sont vraiment développés : la vaccination, les antibiotiques et l'amélioration des conditions de salubrité. La vaccination dans son ensemble a eu des effets très importants», affirme le Dr Weiss.

Pour les chercheurs de l'Institut C.D. Howe, les provinces doivent rapidement mettre en place différentes mesures pour améliorer leur taux de vaccination. Des registres de vaccination à jour devraient être déployés. Un tel registre est attendu depuis les années 80 au Québec, note le Dr Weiss. Avec un tel registre, les autorités de santé publique pourraient cibler les parents dont les enfants ne sont pas totalement vaccinés et lancer des rappels téléphoniques ou par courriel, avancent les chercheurs.

Au ministère de la Santé, on explique qu'un registre de vaccination «est déployé dans tous les CLSC de la province depuis février 2016» et que «des travaux sont en cours pour rendre [ce] registre disponible auprès de l'ensemble des vaccinateurs de la province d'ici décembre 2018».