Ex-ministre libérale responsable des aînés, Marguerite Blais joint sa voix à celle de la Coalition avenir Québec (CAQ) pour demander que le projet de loi 115, actuellement à l'étude à l'Assemblée nationale, aille plus loin. Les employés des centres d'hébergement devraient être tenus de signaler les cas de maltraitance dont ils sont témoins.

Dans une lettre qu'elle signe avec le porte-parole en matière de santé de la CAQ, François Paradis, Mme Blais signale que «bien qu'il contienne des mesures intéressantes, ce projet de loi demeure incomplet, car il ne contient aucune disposition pour obliger la dénonciation de la maltraitance. Ce serait pourtant un outil de haut niveau avec un effet dissuasif puissant».

«Selon un sondage récent, 93 % des Québécois sont en faveur de cette mesure pourtant proposée en 2013 par le Parti libéral du Québec. Malheureusement, l'actuel gouvernement ne veut plus inclure cette disposition dans son projet de loi. L'Ontario, la Nouvelle-Écosse et l'Alberta ont adopté des lois fortes pour protéger leurs aînés. Le Québec doit s'inspirer des meilleures pratiques de ses voisins, chez nous, au Canada», ajoutent les auteurs, Mme Blais et M. Paradis.

Une «lettre citoyenne»

«Ce n'est pas une déclaration politique, mais une lettre citoyenne», explique celle qui a été responsable des aînés au gouvernement de 2007 à 2012. Pas question pour elle de «jouer à la belle-mère», mais cette obligation de signaler les cas de maltraitance observés faisait partie du projet de loi 399, que Mme Blais avait déposé comme députée de l'opposition. «Le caucus libéral était d'accord avec cela à l'époque, cela avait été étudié avec Me Gilles Ouimet [ex-bâtonnier qui était aussi député libéral à l'époque]», a rappelé Mme Blais, jointe hier par La Presse à sa résidence des Laurentides.

Le projet de loi 399 prévoyait que les signalements seraient aiguillés vers la Commission des droits de la personne. «On a le devoir d'avoir une loi qui a des dents », observe Mme Blais. Le projet de loi prévoyait aussi des amendes pour les contrevenants; il n'y en a pas dans le projet de loi 115. 

«C'est étrange, on sanctionne la maltraitance à l'égard des animaux, mais pas celle envers nos aînés.»

«Nos aînés sont trop nombreux à subir de la maltraitance. Celle-ci peut prendre plusieurs formes, que ce soit la violence physique ou psychologique, l'abus financier, ou même l'atteinte à la dignité humaine. Ce sont tous ces différents visages que prend la maltraitance qu'il faut combattre. Oui, l'obligation de dénoncer est une question morale. Mais elle doit aussi devenir une question légale», affirment Mme Blais et M. Paradis dans leur lettre.

En revanche, convient-elle, le projet de loi actuel prévoit des dispositions sur les caméras de surveillance dans les chambres, un phénomène qui n'était pas dans le débat public à l'époque.

De nombreux appuis

Le fait qu'elle ait cosigné une lettre avec la CAQ n'est pas le signe d'un éventuel retour en politique, assure-t-elle. À 68 ans, avec huit petits-enfants, elle apprécie un rythme de vie moins trépidant, dit-elle.

Dans leur lettre, Mme Blais et M. Paradis soulignent que l'obligation de signalement «reçoit aussi l'appui de nombreux groupes de défense des aînés qui les accompagnent chaque jour dans les CHSLD, les hôpitaux et les résidences privées. Ces organisations représentent des centaines de milliers de personnes, de patients et de retraités qui reconnaissent d'ailleurs que la dénonciation obligatoire serait un outil fort efficace. En plus, le signalement obligatoire des cas de maltraitance protègerait également les professionnels qui signalent les cas d'abus».

Des changements «importants et complexes» seront nécessaires, «mais il faut avoir le courage de prendre tous les moyens nécessaires pour protéger les aînés vulnérables».

«Beaucoup de nos aînés vivent une situation de vulnérabilité qui s'exprime par la diminution des capacités physiques ou psychologiques, la perte d'autonomie, l'isolement et des fragilités de toutes sortes. [...] Nous avons maintenant le devoir de les protéger de toutes les façons possibles, y compris en instaurant l'obligation légale de dénoncer la maltraitance envers nos aînés et adultes vulnérables.»