Une résidence pour aînés du Bas-Saint-Laurent qui vient de faire paraître une publicité vantant ses places libérées par « de nombreux décès » récents est justement critiquée par une coroner pour son inaction dans la mort d'un résidant.

La Villa des Basques, à Trois-Pistoles, a fait rigoler hier les réseaux sociaux avec son annonce insolite. Elle a plutôt été qualifiée de « terrible » par une conjointe éplorée.

« Suite » à ces décès, « nous avons plusieurs chambres de disponibles à très bon prix », explique la publicité parue dans l'édition de cette semaine du journal local, l'Info-Dimanche. « Nous profitons de l'occasion pour souhaiter nos condoléances à ceux et celles qui sont concernés. »

Rapport du coroner

Mercredi -le jour même où la publicité d'abord dénichée par l'émission Infoman a été publiée-, le Bureau du coroner rendait public un rapport très critique concernant le décès d'un résidant de la Villa survenu en avril dernier. Le patron de la résidence nie des éléments importants de ce rapport.

Omer Boucher s'est « fort probablement » étouffé avec un repas qui n'aurait pas dû lui être servi et l'homme n'a pas été secouru en temps utile, a conclu la coroner Renée Roussel.

Sa « viande n'a pas été découpée en fins morceaux ce qui était pourtant requis », a relevé la coroner Roussel, relevant que le personnel se fiait à la conjointe de M. Boucher - absente ce jour-là. 

«Le plateau et son contenu n'auraient jamais dû être laissés dans cet état et présentés à M. Boucher», lit-on dans le rapport de la coroner.

Explication possible: les nutritionnistes qui établissaient le régime alimentaire de chaque patient rencontraient « un mur » à la Villa des Basques. Ceux qui devaient appliquer leurs recommandations « ne voulaient pas s'en occuper, prétextant qu'elles n'en avaient pas le temps et que ce n'était pas à elle de le faire ».

Après s'être étouffé, M. Boucher s'est précipité dans le corridor de la résidence. Le personnel aurait dû entreprendre des manoeuvres pour débloquer ses voies respiratoires, « ce que s'apprêtait pourtant à réaliser une préposée aux bénéficiaires lorsqu'elle aurait été interrompue et empêchée par l'infirmière qui venait d'arriver », a écrit la coroner. Ce refus d'agir est « étonnant et « malheureux », selon elle, et l'a motivé à demander aux ordres professionnels concernés d'ouvrir des enquêtes.

La conjointe de la victime outrée

Carmen Lafrance, la conjointe des 20 dernières années de M. Boucher, tient toujours rigueur à la Villa des Basques et à son personnel. Et l'utilisation des « nombreux décès » dans une publicité de l'établissement n'aide en rien, bien au contraire.

« Je trouve ça terrible. La seule chose qui les intéresse, c'est de se remplir les poches.»

Mme Lafrance fait par ailleurs de nombreux reproches envers la qualité des soins reçus par M. Boucher.

Le Centre intégré de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent indique d'ailleurs que « la Villa des Basques a connu des difficultés importantes concernant, entre autres, la conformité des normes de sécurité incendie, l'assiduité à suivre le plan d'action exigé par le CISSS, la qualité des soins dispensés (respecter l'heure de prise des médicaments des résidants, entre autres), etc. », a indiqué la porte-parole Lise Chabot.

Toutefois, « la situation s'est beaucoup améliorée depuis quelques mois » et « le CISSS a confiance qu'elle répondra aux normes demandées », a continué Mme Chabot.

La résidence répond aux critiques

Daniel Lessard, propriétaire de la Villa des Basques, rejette les conclusions de Mme Roussel.

Il n'y avait pas de manque de communication et la cuisine ne refusait pas d'obéir aux instructions des nutritionnistes, jure-t-il. Mais « ma cuisinière, c'est quelqu'un qui est renfermé. Elle n'a pas une grosse démonstration », a-t-il dit en entrevue téléphonique.

De toute façon, M. Boucher n'avait pas besoin de préparation spécifique pour sa nourriture, selon M. Lessard. 

« Il n'y avait aucune recommandation dans son dossier, aucune diète hachée ou des choses comme ça», laisse-t-il entendre.

Tout a été fait pour sauver M. Boucher, soutient le patron de la Villa, qui n'était toutefois pas sur place au moment des événements. « Je ne comprends pas [que la coroner] dise » le contraire. « C'était le branle-bas de combat, ça y allait. »

Quant à la publicité, « c'est vrai que depuis les Fêtes j'ai eu 13 décès », a affirmé M. Lessard. « Vous comprendrez qu'à 13 places de libres, ça gruge un budget. »

Avis de décès - BOUCHER, Omer