La vague de décès par surdose qui frappe le Canada bénéficie aux dons d'organes, un développement aussi paradoxal qu'inattendu de la crise du fentanyl qui fait des ravages en Colombie-Britannique.

«Il y a plus d'organes disponibles pour des transplantations et une partie de ces organes provient de victimes de surdose de drogue», explique David Landsberg, directeur des services médicaux de transplantation de la province de la côte pacifique.

Cette corrélation entre les surdoses au fentanyl, un puissant sédatif, et les greffes d'organes est significative depuis la fin 2016.

Entre le début de l'année et le 15 février, 59 organes provenant de 20 donneurs ont été transplantés dans cette province de l'Ouest canadien, selon les données des autorités sanitaires. Le chiffre était de 37 provenant de 10 donneurs pendant la même période en 2016.

Le quart des organes greffés cette année ont été prélevés sur des victimes de surdose au fentanyl, souligne à l'AFP David Landsberg.

La Colombie-Britannique, «la région la plus durement touchée» par la crise des opioïdes, selon Jane Philpott, ministre fédérale de la Santé, a déploré 914 décès par surdose en 2016, 80% de plus qu'en 2015.

Le fentanyl était en cause dans deux tiers de ces décès.

Et la tendance se maintient: pour le seul mois de janvier, 116 décès par surdose ont été enregistrés, selon les statistiques de la province.

Face à cette situation, Mme Philpott a annoncé vendredi de nouvelles mesures pour endiguer cette crise de santé publique, débloquant 75 millions de dollars, dont 10 millions en aide d'urgence à la Colombie-Britannique.

Le fentanyl, 100 fois plus puissant que l'héroïne, crée une forte dépendance, selon la police. À l'état pur, deux milligrammes, soit l'équivalent de quatre grains de sel, suffisent pour tuer un adulte.

«Un mal pour un bien»

À l'hôpital Saint Paul, dans le centre de Vancouver, David Landsberg conjugue à regret et trop souvent, les décès tragiques par surdose et les dons d'organes qui sauvent la vie des autres.

«Cela me laisse ambivalent», dit-il après un temps de réflexion. «C'est un mal pour un bien».

«J'aimerais voir la fin de l'épidémie au fentanyl, mais j'aimerais aussi que les gens sur des listes d'attente pour des dons d'organes reçoivent de l'aide».

Les victimes de surdoses sont traitées de la même façon que les autres donneurs potentiels. Certaines avaient donné de leur vivant leur consentement. Pour les autres, les médecins peuvent avoir l'accord des familles.

Les prélèvements sont opérés une fois la drogue éliminée par les organes de la victime.

Le personnel médical scrute aussi «méticuleusement» les organes des victimes pour s'assurer de ne pas transmettre de maladies infectieuses, compte tenu du risque plus élevé de contracter le virus du VIH ou une hépatite pour les consommateurs de drogues dures.

«Nous discutons de cela en détail avec les patients en attente d'organes et ne faisons la transplantation qu'avec leur approbation», dit-il.