L'incertitude est totale à Matane. Les responsables de santé cherchaient toujours hier un chirurgien pour éviter une rupture de services à l'hôpital de l'endroit qui, si elle survient, obligera à transférer des patients et des femmes sur le point d'accoucher à Rimouski à partir de demain, et ce, jusqu'au 3 janvier.

Comme l'explique Syvie Lamontagne, responsable des relations avec les médias au Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent, les deux chirurgiens de l'hôpital de Matane ont prévenu la direction il y a plusieurs mois déjà qu'ils allaient prendre des vacances dans le temps des Fêtes. 

Un médecin dépanneur a été trouvé, mais le 14 décembre, il s'est désisté. « On va savoir demain matin [ce matin] si quelqu'un d'autre pourra venir », a dit Mme Lamontagne. 

À la toute dernière minute, un chirurgien a finalement été trouvé pour couvrir la période du 24 décembre jusqu'à aujourd'hui. Mais d'aujourd'hui au 3 janvier ? Pour l'heure, c'est à découvert, ce qui a poussé le député péquiste Pascal Bérubé à lancer ces derniers temps des appels sur Twitter. 

Rimouski est situé à 100 kilomètres, soit à un peu plus d'une heure de route de Matane. « Je crois que le ministre de la Santé ne mesure pas l'ampleur de l'inquiétude que cela crée à Matane », dit Pascal Bérubé.

Et il n'y a pas qu'un problème de chirurgiens à Matane. Parfois, l'hôpital se cherche un anesthésiste « et depuis décembre 2015, nous n'avons plus d'orthopédiste sur place alors que nous en avions deux jusque-là. Nous manquons de spécialistes de façon générale », fait remarquer le député.

« Pour la population, qui se fait dire qu'il est important de se rendre le plus vite possible à l'hôpital si on présente certains symptômes, c'est inquiétant », dit Jérôme Landry, le maire de Matane. 

« On se sent isolés et on s'attendrait à avoir un minimum de services, poursuit-il. Il est déjà arrivé il y a quelques années qu'on n'ait pas de chirurgien pendant 48 heures, mais pour plusieurs jours, comme cela, c'est du jamais-vu. » 

LOI 10

M. Landry trouve singulier que le ministère de la Santé ne puisse pas contraindre un chirurgien, quelque part, à travailler pour éviter la rupture de services. « Pourquoi ne peut-on pas le faire avec des médecins, alors que les infirmières sont régulièrement contraintes, elles, de faire des heures supplémentaires ? » En fait, relève le député Pascal Bérubé, en vertu de la loi 10 promulguée l'an dernier, un médecin peut être contraint de se déplacer, mais seulement dans un rayon de 70 kilomètres. « Or, comme Rimouski est à 100 kilomètres, les médecins de là-bas échappent à cette règle. »

Il y a quelques jours, le syndicat des infirmières de l'est du Québec dénonçait la décision de transférer des patients à Rimouski si l'hôpital était à découvert, situation qu'il qualifiait de « scandale ». Cette décision, disait la présidente Micheline Barriault, « pourrait avoir des impacts sérieux sur la santé de la population. Lorsqu'on prend en compte les contraintes hivernales, l'augmentation de la circulation sur les routes durant le temps des Fêtes, les risques accrus de maladies cardiorespiratoires et le fait qu'un transport vers un centre ambulancier pourrait prendre plus d'une heure, il y a un risque accru pour la santé de la population de Matane ». 

Mme Barriault déplorait le fait que malgré la fusion de tous les établissements de santé sur l'ensemble du Bas-Saint-Laurent, les autorités ont été incapables de trouver un chirurgien. 

Pour Mme Barriault, aucune raison économique ne justifie de limiter l'accès à la population à des soins et services de santé complets et de qualité. « On parle de la santé et de la sécurité des gens, de la préservation de leurs droits fondamentaux, et le gouvernement a le devoir de tout mettre en oeuvre pour corriger la situation dès maintenant. » 

Julie White, attachée de presse du ministre Gaétan Barrette, note que le Ministère accompagne actuellement le CISSS du Bas-Saint-Laurent dans ses démarches.