La rencontre fédérale-provinciale sur le financement des soins de santé s'est terminée en queue de poisson, lundi, Ottawa retirant son offre bonifiée et les provinces déplorant l'attitude fermée du fédéral.

Résultat: ce sont les patients qui pâtiront de cette absence d'accord, avec un effet sur l'accès et la qualité des soins de santé, selon le ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette.

En milieu d'après-midi, le gouvernement de Justin Trudeau avait annoncé qu'il bonifiait son offre initiale en proposant une hausse des transferts fédéraux en santé de 3,5 pour cent par année et une enveloppe de 11,5 milliards $ sur 10 ans pour les soins à domicile et la santé mentale. @La dernière offre déposée par les provinces et territoires comprenait plutôt une augmentation des transferts fédéraux de 5,2 pour cent. L'augmentation des transferts en santé était de 6 pour cent depuis les 12 dernières années.

Incapable de s'entendre avec les provinces, le ministre des Finances, Bill Morneau, a retiré ses billes: les provinces devront se contenter, dès avril prochain, de la hausse de 3 pour cent prévue initialement. Et on ignore comment les 3 milliards $ sur quatre ans promis pour les soins à domicile en campagne électorale seront déployés.

«Nous sommes déçus. Nous avions mis une offre significative sur la table», a déploré M. Morneau lors du point de presse clôturant la rencontre.

Sa collègue de la Santé, Jane Philpott, affichait la même mine déconfite. «L'offre que nous avons soumise à nos homologues avait le potentiel de devenir un changement transformateur. Cela aurait vraiment pu faire la différence dans la vie des Canadiens», a-t-elle soutenu. Elle a néanmoins assuré que les Canadiens continueront malgré tout de bénéficier de soins de santé de qualité et a rappelé que les dépenses des provinces en santé n'avaient augmenté que de 2,6 pour cent ces dernières années.

Mais selon son homologue québécois Gaétan Barrette, le manque à gagner avec l'offre fédérale est de 51 milliards $ sur 10 ans, un écart qui ne sera pas sans effet sur le système de santé à travers le pays.

«La réalité est qu'actuellement, sur la table, nous faisons face - et c'est l'objet de la négociation - à une réduction sur 10 ans de la part fédérale du financement. C'est ça qui est l'enjeu. Et c'est un enjeu dominant, parce que le financement va venir avoir des impacts sur l'accès au service, et sur la qualité des services», a-t-il signalé.

Approche unilatérale

Selon les provinces et territoires réunis à Ottawa, le gouvernement n'avait aucunement l'intention de mettre de l'eau dans son vin et d'écouter leur plaidoyer. «Il n'y avait pas de négociation, a lancé le ministre des Finances de l'Ontario, Charles Sousa. C'était une approche unilatérale qui, au fond, proposait que la contribution du gouvernement fédéral passe de 23,3 pour cent aujourd'hui à 20 pour cent au cours des 10 prochaines années.»

Les provinces déplorent le peu de temps qui leur était alloué pour négocier sur un enjeu aussi complexe et demandent une rencontre entre Justin Trudeau et ses homologues spécifiquement sur la question.

Elles affirment toutefois que la mésentente de lundi ne signifie pas pour autant une que les discussions sont closes, en dépit du ton adopté par Ottawa.

«Nous ne pensons pas, à ce jour, être dans une impasse. Nous avons du travail à faire», a fait valoir le premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, Wade MacLauchlan, qui s'est réjoui de voir les provinces et territoires être unis sur cet enjeu.

«Les Canadiens vont continuer de demander en bon droit un niveau de service approprié (...). En ce qui nous concerne, aujourd'hui, nous sommes encore en négociations. Nous ne nous sommes pas retirés de la table et nous sommes prêts à continuer ces travaux-là dès demain matin», a assuré M. Barrette. Selon lui, le fédéral s'est livré à des «effets de toge» lors de la rencontre, mais les négociations se poursuivront.

La suite des choses demeure incertaine. M. Morneau a assuré qu'il souhaitait remplir la promesse libérale de verser 3 milliards $ en 4 ans pour la santé mentale, mais il ignore comment il pourra le faire sans passer par le truchement des provinces.

«Nous demeurons engagés dans ce domaine. Nous devons désormais réfléchir à la façon de faire pour avoir cet impact», a-t-il concédé.

Les libéraux respectent une promesse électorale

En refusant de hausser de six pour cent le financement accordé aux provinces en matière de santé, les libéraux respectent les engagements qu'ils ont pris en campagne électorale, a fait valoir Justin Trudeau dans une entrevue de fin d'année accordée à La Presse canadienne.

Justin Trudeau a soutenu avoir brigué le poste de premier ministre en exposant son intention de limiter l'augmentation des transferts fédéraux en santé à trois pour cent, tout comme le précédent gouvernement conservateur de Stephen Harper prévoyait le faire.

Les Canadiens ne devraient donc pas s'étonner qu'Ottawa «reste fidèle à (ses) engagements électoraux», a ajouté M. Trudeau.

Dans les faits, M. Trudeau n'avait avancé aucun chiffre en particulier relativement à une éventuelle hausse du financement versé aux provinces et aux territoires pour les soins de santé qu'ils prodiguent.

Il avait promis de négocier une nouvelle entente à long terme avec les provinces. Il s'était en outre engagé à injecter 3 milliards $ sur quatre ans pour les soins à domicile.

M. Trudeau a rappelé en entrevue les promesses qu'il avait faites il y a plus d'un an le jour même de l'échec d'Ottawa de s'entendre, lundi, avec les provinces sur l'épineuse question des transferts en santé.

«Les Canadiens ont voté pour un parti qui s'engageait à augmenter de trois pour cent les dépenses en matière de santé, a dit le premier ministre à La Presse canadienne. Et oui, les gens en étaient très conscients. On s'est fait critiquer pour ça pendant la campagne électorale. Mais c'est une promesse qu'on a faite en termes de priorités.»