Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, doit déposer prochainement un règlement qui élargira la couverture publique des échographies afin que les examens faits en cabinet privé soient aussi payés par l'État. S'il dit appuyer cet objectif de gratuité pour le patient, le président de l'Association des radiologistes du Québec (ARQ), le Dr Vincent Oliva, s'inquiète des retombées si la mesure est adoptée rapidement.

«Nous sommes inquiets pour la population (...) Le concept de la gratuité mur à mur est intéressant, mais pas réalisable demain matin», affirme le Dr Oliva.

Dans une conférence de presse tenue cet après-midi, le Dr Oliva et la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), la Dre Diane Francoeur, ont reproché au ministre Barrette de ne pas les consulter dans ce dossier, comme dans plusieurs autres. «Nous apprenons ses décisions par le biais des médias. Nous sommes censés être des partenaires», dénonce la Dre Francoeur.

«Est-ce qu'il consulte le ministre ? Est-ce qu'il écoute quelqu'un ?» demande le Dr Oliva, qui précise que le plaidoyer des radiologistes n'est «pas une question d'argent». «On est réellement inquiet pour les services aux patients», dit-il.

Un régime à deux vitesses

Actuellement, les patients du Québec peuvent recevoir gratuitement une échographie à l'hôpital. Mais en cabinet privé, ils doivent en débourser les coûts.

La Dre Francoeur rappelle qu'à la suite d'une entente survenue en novembre 2015, la FMSQ a consenti à puiser 30 millions à même l'enveloppe de rémunération de ses médecins afin d'améliorer l'accès aux échographies. L'objectif étant qu'à terme, les patients n'aient jamais à payer pour recevoir une échographie.

La semaine dernière, le ministre Barrette affirmait que dès janvier, un règlement serait en vigueur afin d'assurer la couverture publique de toutes les échographies.

Peu importe l'échéance, les radiologistes pressent le ministre de les consulter. «Parce que si on impose la gratuité d'un coup, on va faire exploser le système», prévient le Dr Oliva.

Manque de technologues

En étendant trop rapidement la gratuité des échographies, le danger est de vider les hôpitaux de leurs technologues, dit le Dr Oliva. Car la demande dans les cabinets privés montera en flèche et des technologues seront invités à y travailler. «Mais des technologues, ça ne pousse pas dans les arbres. Ça prend deux ans de formation. Donc le risque sera de vider les hôpitaux de leurs technologues», dit le Dr Oliva.  

La FMSQ et les radiologistes souhaitent que le ministre exploite à plein régime les appareils et les équipes se trouvant déjà dans les hôpitaux.

Hier, le ministre Barrette a annoncé des investissements de 21 millions de dollars pour augmenter l'offre de services en imagerie. Une part de l'enveloppe permettra de réaliser 46 500 examens supplémentaires en imagerie par résonance magnétique (IRM), 20 200 en tomodensitométrie (TDM) et 25 000 coloscopies dans les hôpitaux de la province.

La FMSQ souhaite que le ministre adopte la même approche avec les échographies afin de favoriser les tests en hôpital. «Nous sommes convaincus que cela ne demanderait pas un investissement énorme», plaide le Dr Oliva.

«Nous sommes très inquiets de vider les hôpitaux de leurs technologues. De cet exode vers le privé», affirme la Dre Francoeur, qui demande au ministre de reporter l'application de son règlement le temps de consulter les radiologistes et de «trouver une solution réaliste».