La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, trouve « préoccupante » la légèreté des sanctions imposées aux médecins par leur ordre professionnel en cas d'inconduite sexuelle. Elle envisage d'amender son projet de loi sur le Code des professions pour resserrer les mesures disciplinaires.

Elle a eu un entretien sur le sujet avec le président du Collège des médecins, le Dr Charles Bernard, hier. Ce dernier juge que les peines ne sont pas assez sévères, car le conseil de discipline est prisonnier de la jurisprudence.

Il demande à la ministre de changer la loi pour adopter la même sanction minimale qu'en Ontario : un médecin devrait perdre son permis quand il est reconnu coupable d'inconduite sexuelle et ne pourrait en demander un nouveau qu'après cinq ans. La ministre entend étudier cette proposition.

La Presse a rapporté la semaine dernière que le Dr Roger Hobden a été radié pendant 15 mois pour avoir eu, à son domicile, des relations sexuelles avec une adolescente qui était sous ses soins. C'est «  dans le bas de la fourchette des sanctions  » possibles, convient le conseil de discipline dans sa décision. Les faits reprochés remontent à 1997, mais la victime se dit encore « traumatisée ».

Plus tôt cet automne, pour cette même affaire, M. Hobden a été condamné en cour criminelle à neuf mois de détention à purger dans la collectivité, après avoir plaidé coupable à un chef d'accusation d'attouchements sexuels sur une mineure alors qu'il était en position d'autorité. Le syndic lui reprochait également deux autres relations sexuelles avec des patientes majeures, pour lesquelles il n'y a pas eu d'accusations criminelles.

« De sérieuses questions »

La sanction de 15 mois imposée par le conseil de discipline était une suggestion commune de l'avocat du Dr Hobden et du syndic du Collège des médecins. Les parties ont jugé que les actes concernant les deux personnes majeures seraient sanctionnés par trois mois de radiation pour chaque cas, mais que ces peines seraient purgées de façon concurrente, donc en même temps que la sanction de 15 mois. Elles ne s'additionnent pas. Compte tenu de la peine de neuf mois au criminel, cela ne laisse au Dr Hobden que six mois de plus à être privé de pratiquer la médecine.

Cette décision du conseil de discipline « nous amène à nous poser de sérieuses questions sur la capacité d'intervenir de façon proportionnelle face aux gestes qui ont été posés », a déclaré Stéphanie Vallée lors d'un entretien avec La Presse, hier.

« C'est sûr que quand on voit des situations comme ça, c'est préoccupant. Il faut permettre aux ordres d'avoir les coudées franches pour être capables d'assurer la protection du public », a dit Stéphanie Vallée.

Elle pourrait agir plus tôt que tard. Car son projet de loi 98 sur le Code des professions, qui touche surtout la gouvernance du système professionnel, est toujours à l'étude à l'Assemblée nationale. Les consultations publiques sont terminées. On en est maintenant à l'étude article par article, en commission parlementaire. « Il faut regarder l'opportunité » de déposer un amendement au projet de loi en vue de punir plus sévèrement l'inconduite sexuelle, a indiqué la ministre.

Justice disciplinaire

Elle a ajouté qu'un autre projet de loi est en préparation pour moderniser le Code des professions en matière de « justice disciplinaire », un volet qui concerne les sanctions imposées aux professionnels pris en défaut. L'Office des professions travaille sur ce « chantier » depuis un moment déjà.

« J'ai demandé à l'Office de voir si on est assez avancés pour devancer ce qu'on avait prévu. Est-ce qu'on peut profiter du projet de loi 98 et ajouter des mesures qui seraient peut-être plus sévères ? [...] Sinon, on est quand même dans un chantier. Parce que, oui, au niveau de la justice disciplinaire, il y a lieu de moderniser les façons de faire, peu importe l'ordre. » Elle n'a pas donné d'échéancier pour le dépôt de cet autre projet de loi.