Un psychologue montréalais a «commis des gestes abusifs à caractère sexuel» en administrant à plusieurs reprises des fessées «thérapeutiques» sur les «fesses dénudées» d'un jeune patient de 19 ans «très vulnérable».

La décision du conseil de discipline de l'Ordre des psychologues, qui vient d'être rendue publique, mentionne que Steven Schachter a aussi utilisé «un bout de bois pour taper le client» au même endroit. Il aurait dit qu'il appliquait la même technique à d'autres patients.

Le psychologue a été radié temporairement en juin 2015, au début de la procédure.

Le jeune au centre de l'affaire vivait une période difficile due «entre autres à une rupture amoureuse, à des problèmes d'estime de soi», ainsi qu'à de l'anxiété «à l'égard de la relation père-fils, le client ayant subi de la violence physique durant l'enfance», ajoute la décision.

«Lors de la fessée, le client est couché sur les genoux de l'intimé, le visage vers le sol, le postérieur vers le haut et l'intimé lui tape les fesses dénudées, sur une fesse puis sur l'autre», détaillent les trois membres du conseil de discipline.

En outre, ils retiennent que c'est Steven Schachter qui baissait «les culottes du client jusqu'aux chevilles » et qu'il « pianot[ait] sur chaque fesse après l'avoir frappée».

«En le frappant, l'intimé lui dit: "feel the shame" [ressens la honte], "feel the guilt" [ressens la culpabilité] ou "let it sink in" [laisse le sentiment t'imprégner]», a témoigné le patient.

Six à dix séances

Après la première séance, le jeune homme dit avoir demandé au psychologue s'il utilisait cette technique avec d'autres patients. «L'intimé lui répond par l'affirmative», a-t-il relaté devant le conseil. Il acceptait la méthode de la fessée car il croyait que M. Schachter savait ce qu'il faisait et qu'il était une figure d'autorité.

«Il m'a fait croire qu'il s'agit d'une thérapie ou d'une technique pour soulager le stress, l'anxiété, la honte et la culpabilité issue d'incompréhension de mes émotions», dit le patient.

Le client a demandé au professionnel de cesser cette pratique après six à dix séances, survenues entre septembre 2013 et septembre 2014. Au cours d'un rendez-vous médical, il a ensuite demandé à un médecin généraliste si la pratique était normale. Celui-ci lui a conseillé de porter plainte. La psychologue qui a récupéré son dossier lui a prodigué le même conseil.

«Gestes abusifs»

Le conseil de discipline a décidé le 29 juillet dernier que M. Schachter avait «commis des gestes abusifs à caractère sexuel». Le patient n'a d'abord pas perçu le contexte sexuel des gestes, mais «une personne raisonnable peut percevoir le contexte sexuel ou charnel des actes posés par l'intimé», écrit le conseil de discipline. De plus, c'est souvent lorsque le patient rapporte à son psychologue «des pensées sexuelles à l'égard de femmes qu'il rencontre dans des événements à caractère social ou à l'égard de clientes dans le cadre de son travail comme massothérapeute» que le psychologue «lui demande s'il veut une fessée».

Le psychologue ne notait pas cette «méthode thérapeutique» au dossier du patient, s'assurait que la porte du bureau était verrouillée et fermait les stores, note le conseil, composé de deux psychologues et d'une avocate.

Steven Schachter n'a pas rappelé La Presse. Ses avocats n'ont pas répondu au courriel qui leur a été envoyé ni aux messages laissés sur leurs boîtes vocales. Ils devront revenir devant le conseil de discipline pour faire valoir leur avis sur la sanction à imposer au professionnel. Les conseils de discipline d'ordres professionnels peuvent imposer des blâmes, des amendes et des radiations temporaires ou permanentes.

Steven Schachter ne pratique plus comme psychologue - il n'a pas contesté sa radiation provisoire du tableau de l'Ordre, survenue en juin 2015 - mais s'affiche maintenant comme «consultant en santé mentale et hypnologue» sur l'internet.

Un précédent 

En mars dernier, Steven Schachter a été condamné par le même conseil de discipline pour son comportement envers un patient qui avait commencé à le consulter en tant que mineur.

Le psychologue s'était retrouvé en sous-vêtements devant lui en marge d'une partie de racquetball à laquelle il l'avait invité. Cet événement «n'est pas un geste thérapeutique, a alors écrit le conseil. Il s'agit plutôt d'une activité contre-indiquée dans le cadre d'une psychothérapie. De plus, le fait de se dévêtir devant le client est également un geste inapproprié.»

M. Schachter a aussi été blâmé pour lui avoir touché un genou pendant une thérapie et lui avoir fait un câlin, deux gestes dont il avait noté l'importance thérapeutique dans ses dossiers.

«Le conseil, formé majoritairement de pairs, estime que des touchers au genou et des câlins à un client ne sont pas des gestes thérapeutiques. Il s'agit plutôt de contacts physiques inappropriés et contre-indiqués dans le cadre d'une psychothérapie», lit-on dans la décision.

Il était aussi accusé d'avoir touché «à plusieurs reprises le postérieur de son client à la fin des sessions, alors que ce dernier se dirigeait vers la sortie», mais la preuve a été jugée insuffisante sur ce plan pour le condamner. Il niait avoir fait ce geste.