Le blogueur Pat Vaillancourt s'est associé à une clinique faisant tirer des prescriptions gratuites pour du cannabis thérapeutique.

Pat Vaillancourt, une vedette controversée du web qui a provoqué la chute de l'humoriste Gab Roy il y a deux ans, se lance activement dans la promotion de la marijuana médicale. Il le fait à coup de balados vidéo vus par des dizaines de milliers d'internautes et d'un concours par lequel il «offre quatre prescriptions gratuitement» de cannabis thérapeutique dans une clinique qui vient d'ouvrir à Longueuil.

Depuis une semaine, près de 20 000 internautes ont vu sur Facebook la diffusion d'une séance d'information vidéo qu'il a animée dans les bureaux de la clinique de Quebec Medicinal Cannabis Resource Center inc. (QMCRCI). La clinique ne vend pas de marijuana, mais aide ses clients - moyennant des frais de 300 $ - à obtenir une ordonnance médicale leur permettant d'acheter légalement du cannabis par la poste.

«Certains médecins vont dire le contraire, mais oui, le cannabis tue les cellules cancéreuses», insiste le blogueur dans le fichier balado qu'il a diffusé sur son compte Facebook, suivi par près de 100 000 abonnés. Il promet d'en réaliser plusieurs autres au cours des prochaines semaines. «Ce que j'affirme par rapport au cancer, c'est basé sur des textes et des vidéos publiés par des scientifiques sérieux», dit-il en entrevue à La Presse.

QMCRCI est affiliée à une clinique de Vancouver qui permet à ses clients d'obtenir des ordonnances de cannabis thérapeutique en passant un simple examen médical par Skype. Le Collège des médecins du Québec s'oppose fermement à ces examens à distance, qu'il considère comme une forme illégale et complaisante de télémédecine.

« C'est n'importe quoi. Ces gens-là disent que le cannabis est la panacée, mais en réalité, tout ce qu'ils veulent, c'est une ristourne des producteurs pour lesquels ils agissent comme intermédiaires, croit le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins. Je peux vous prédire que des endroits semblables, on va en voir ouvrir et fermer tout aussi rapidement un peu partout. »

La clinique longueuilloise assure cependant qu'elle fait uniquement affaire avec un médecin québécois qui rencontre tous les patients sur place et qui respecte les règles établies par le Collège des médecins.

La Presse n'a pas pu questionner ce médecin, dont le nom nous demeure inconnu. «Le coût des démarches pour obtenir une prescription avec nous est d'environ 300 $. Nous, on ne fait qu'aider les gens à présenter un bon dossier. La prescription en tant que telle est gratuite», affirme Marc Benoît, copropriétaire de la clinique. Dans le cadre d'un «petit tirage» qu'ils ont lancé sur Facebook, QMCRCI et Pat Vaillancourt promettent d'ailleurs de rembourser ces frais administratifs à quatre personnes choisies au hasard, pourvu qu'elles aient un dossier médical admissible. «Les participants doivent fournir un dossier qui démontre qu'ils ont un suivi médical pour un problème de santé sérieux», ajoute le copropriétaire.

Lien avec un producteur «underground»

Une fois leur ordonnance obtenue, les clients de la clinique peuvent commander du cannabis médical par la poste auprès d'un producteur autorisé par le gouvernement fédéral. Mais QMCRCI entretient aussi des liens d'affaire avec Pharmabee, un producteur montréalais de produits transformés de cannabis qui ne détient pas de permis de production de Santé Canada. Ses produits - cigarettes électroniques à la marijuana, shatter (une forme très concentrée de cannabis) et capsules d'huile de cannabis - sont vendus uniquement aux personnes détenant une ordonnance en règle. Les clients de QMCRCI sont incités à s'y approvisionner sur la page web du fournisseur.

Ce type de producteur non autorisé, qui fonctionne en marge du Règlement sur la marijuana à des fins médicales et de son mécanisme de surveillance strict, est assez répandu depuis plusieurs années, indiquent des sources oeuvrant dans des dispensaires de marijuana médicale bien établis.

Sur son compte Facebook, Pat Vaillancourt, qui possède depuis quelques mois un permis de consommation médicale, s'affiche d'ailleurs ouvertement en train d'inhaler la vapeur d'une cigarette électronique de Pharmabee. « La photo que j'ai publiée a fait beaucoup de bruit, a-t-il admis à La Presse. Maintenant, beaucoup de producteurs veulent que je ‟post" des photos de moi avec leur produit. »

Le blogueur a aussi installé un présentoir électronique dans son studio de tatouage, grâce auquel ses clients peuvent remplir directement le formulaire de QMCRCI pour obtenir une ordonnance de cannabis médical.

«Je me suis fait reprocher d'inciter les jeunes à fumer du pot, mais ce n'est pas ça mon intention. Le cannabis médical m'a beaucoup aidé à régler mes problèmes d'angoisse et de sommeil. Je veux juste aider les gens qui souffrent de problèmes médicaux à se soigner le plus adéquatement possible», affirme le blogueur.

Au Québec, pour qu'un médecin puisse prescrire du cannabis médical, il doit obligatoirement le faire dans le cadre d'un programme de recherche reconnu. QMCRCI assure que le médecin avec lequel il travaille collabore à un tel projet de recherche en lien avec l'Université McGill.

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Qui est Pat Vaillancourt?

Extrêmement actif sur Facebook, Patrick Vaillancourt est un blogueur et tatoueur montréalais qui est ouvertement entré en guerre en 2014 contre Gab Roy, un autre blogueur qui s'était rendu célèbre en décrivant de façon très crue les désirs sexuels qu'il éprouvait pour la comédienne Mariloup Wolfe. Disant avoir des preuves que Gab Roy était pédophile, Vaillancourt avait convaincu une jeune femme de 17 ans de publier une vidéo dans laquelle elle se disait victime d'agression sexuelle de la part de Gab Roy, qui a ensuite été accusé de leurre et contact sexuel contre l'adolescente. Il a été reconnu coupable et condamné à 18 mois de prison.

Pat Vaillancourt dit avoir agi par «humanisme» plutôt que par vengeance contre son ennemi. Le blogueur a aussi reçu, en janvier 2015, une lettre du Collège des médecins lui reprochant d'avoir pratiqué illégalement une opération médicale dans la bouche d'une personne, sans être membre d'aucun ordre professionnel médical. Le blogueur avait retiré un amas de chair de la bouche d'un ami à l'aide d'un scalpel, avait filmé l'opération et l'avait mise en ligne sur Facebook. Il s'est défendu en disant qu'il s'agissait plutôt d'une «modification corporelle», semblable aux piercings ou aux ajouts d'implant qu'il pratique depuis des années comme tatoueur. «Je ne me suis jamais dit "docteur", je n'en suis pas un et n'en serai jamais un», s'était-il défendu, promettant de découvrir qui avait porté plainte contre lui auprès du Collège.