Alors que le Québec présente la plus forte proportion de patients atteints de fibrose kystique au pays, la province tarde toujours à imiter les autres autorités canadiennes en adoptant un programme de dépistage néonatal de la maladie.

« On est les seuls en Amérique du Nord, et presque au monde, à ne pas faire de dépistage à la naissance. On ne comprend pas pourquoi le gouvernement québécois hésite à aller de l'avant », affirme la directrice générale de Fibrose kystique Québec, Diane St-Jacques.

Depuis 2005, l'organisme milite afin d'introduire un programme de dépistage néonatal au Québec. Au cours des dernières années, des études ont notamment démontré qu'un tel programme permettrait d'économiser plusieurs milliers de dollars par année en évitant traitements et hospitalisations aux enfants atteints de la maladie.

« Plus on tarde à diagnostiquer la maladie, plus l'état de santé des enfants atteints se dégrade », remarque Mme St-Jacques. Elle explique que ces enfants vont fréquemment aux urgences, les parents pensant que leur petit est atteint d'une infection respiratoire, notamment. « Un programme permettrait d'éviter tout ça », dit-elle.

ÉVITER LES COMPLICATIONS

La fibrose kystique est une maladie génétique qui touche l'appareil respiratoire et digestif. Le mucus des personnes atteintes est notamment plus épais, causant des problèmes respiratoires.

Les enfants atteints de fibrose kystique qui ne reçoivent pas de diagnostic dès la naissance souffrent souvent durant leur première année de vie, explique le Dr Larry C. Lands, directeur du service de médecine respiratoire de l'Hôpital de Montréal pour enfants. « On prescrit beaucoup d'antibiotiques à ces enfants. C'est souvent long avant qu'un diagnostic de fibrose kystique ne soit donné », explique-t-il.

Au Canada, l'Alberta et l'Ontario ont instauré des programmes de dépistage néonatal de fibrose kystique dès 2008-2009. En diagnostiquant les enfants dès la naissance, on leur évite de nombreux effets secondaires, explique le Dr Lands.

« Les enfants atteints de fibrose kystique et [dont la maladie est] diagnostiquée plus tard présentent parfois des retards de croissance, plus de risques de contracter la bactérie Pseudomonas et sont hospitalisés beaucoup plus souvent. Et on ne peut pas rattraper ces retards », explique le Dr Lands, qui vient de publier une étude sur le sujet. « Il est très triste de voir des patients [dont la maladie est] diagnostiquée à 1 an, 2 ans... Car pour eux, les conséquences sur leur santé sont irréversibles », note le Dr Lands.

« PEU DE GAINS ATTENDUS », DIT QUÉBEC

Porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux, Noémie Vanheuverzwijn explique que malgré l'absence de dépistage au Québec, « les statistiques sanitaires (taux de survie, âge moyen, etc.) en matière de fibrose kystique se comparent avantageusement à ce qui est observé dans les autres juridictions, incluant celles offrant le dépistage ».

La porte-parole souligne que le Québec, tout comme les pays scandinaves qui n'offrent pas le dépistage précoce, « se distingue plutôt par l'intensité et la qualité des services offerts aux personnes atteintes ». « Compte tenu de cette situation, peu de gains de santé seraient attendus par la mise en place d'un dépistage néonatal », dit-elle.

Selon le MSSS, « il n'a pas été démontré » que la prise en charge plus précoce des patients, découlant du dépistage néonatal, « se traduit par de meilleurs résultats de santé ». Québec a chargé dernièrement l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de « documenter le phénomène de l'errance diagnostique [cas susceptibles de n'avoir pas été pris en charge en temps opportun ou de manière optimale] afin de mieux apprécier l'utilité clinique potentielle du dépistage au Québec ».

Le rapport est attendu d'ici l'hiver prochain, note Mme Vanheuverzwijn, qui ajoute que cette étude « est essentielle pour juger la pertinence d'inclure ou non la fibrose kystique parmi les maladies à dépister dans le cadre du programme de dépistage néonatal sanguin et urinaire ».