Au Québec comme ailleurs, le ratio de personnes infectées par le VIH ou le virus de l'hépatite C (VHC) est beaucoup plus élevé en prison que dans la population générale. Or, une étude réalisée par le Centre hospitalier universitaire de Québec démontre qu'en 10 ans, les comportements à risque et la prévalence des infections au VIH et au virus de l'hépatite C ont globalement diminué dans les établissements de détention provinciaux au Québec. Faits saillants.

Un portrait révélateur

Le ministère de la Sécurité publique et celui de la Santé et des Services sociaux du Québec ont commandé cette étude en 2014 dans le but de comparer de nouvelles données à celles obtenues en 2003 auprès des détenus des établissements provinciaux.

« On peut pour la première fois évaluer les changements dans le profil des individus incarcérés puisque nos résultats ont pu être comparés [...] et les informations recueillies permettront de guider les interventions en milieu carcéral, tant au niveau de la réduction des méfaits qu'au niveau des services et soins de santé offerts », a expliqué Bouchra Serhir, responsable du secteur Sérodiagnostic et virologie au Laboratoire de santé publique du Québec et chercheuse pour l'étude de prévalence du VIH et du VHC (virus de l'hépatite C) chez les détenus des prisons provinciales, établissements où les incarcérations sont de moins de deux ans.

La drogue davantage que le sexe

La consommation de drogues (injectées, prisées ou fumées) demeure le comportement à risque le plus fréquent tant chez les hommes que chez les femmes. Le partage de matériel - bien que cette pratique soit moins répandue en 2014 - est un facteur aggravant de premier plan. Contrairement à la croyance populaire, les relations sexuelles sont très rares dans les établissements de détention provinciaux, chez les hommes comme chez les femmes. Or, 80 % de ceux qui en ont ne se protègent pas, ce qui constitue aussi un facteur de risque.

L'aiguille infectée

L'étude a permis de démontrer que les utilisateurs de drogues par injection (UDI) étaient particulièrement concernés : 6,7 % des hommes et 2,9 % des femmes de ce groupe ont eu un résultat positif au test du VIH, comparativement à un résultat presque nul pour ceux qui n'avaient jamais utilisé de telles drogues. Un rapport de l'INSPQ publié en 2014 confirme que dans la population québécoise également, les utilisateurs de drogues par injection (UDI) sont parmi les personnes les plus touchées par le virus de l'hépatite C et par le VIH.

En prison comme ailleurs

Dans le cas de l'hépatite C, la prévalence est globalement moindre en 2014 pour les hommes comme pour les femmes, mais les résultats pourraient s'expliquer par un moins grand nombre de détenus UDI. Pour le VIH, « les prévalences étaient plus faibles en 2014 qu'en 2003 et la baisse était particulièrement marquée chez les femmes, où la prévalence était près de 10 fois moindre que celle mesurée en 2003 », a fait remarquer Mme Serhir.

Toutefois, près du tiers des participants infectés par le VIH ignoraient leur état, tout comme 10 % de ceux infectés par le virus de l'hépatite C. Ces données démontrent que parmi les personnes infectées par le VIH, les détenus sont plus nombreux à l'ignorer (30,8 %) que dans la population canadienne (25 %), tandis que c'est l'inverse pour le VHC (12,3 % pour les détenus et 21 % pour la population canadienne).

Pistes d'intervention

L'étude a permis de démontrer des lacunes touchant le contrôle des infections. Par exemple, on peut lire dans le rapport que les détenus « se sachant infectés par le VHC durant l'incarcération [ont un] suivi médical inadéquat ». De plus, le quart des détenus infectés par le VIH avant d'être incarcérés n'ont pas accès à leurs médicaments une fois en prison.

« Il importe de favoriser un meilleur accès aux mesures de prévention, au dépistage et au traitement de ces infections dans les établissements de détention, relève Mme Serhir. Une étroite collaboration entre le milieu carcéral et la communauté, notamment avec les groupes communautaires venant en aide aux utilisateurs de drogues par injection (UDI) et aux travailleurs et travailleuses du sexe, est primordiale. »

- Avec la collaboration de William Leclerc