Malgré la volte-face de Québec, l'avocat en droit de la santé Jean-Pierre Ménard ira de l'avant aujourd'hui avec le dépôt d'un recours judiciaire « pour faire cesser la pratique illégale des frais accessoires » facturés aux patients.

La Presse a révélé hier que le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, veut finalement bannir tous les frais accessoires plutôt que de les encadrer. Il entend négocier avec les fédérations médicales pour que ces frais, qui servent à couvrir des coûts de fonctionnement des cliniques et des cabinets, soient compris dans la rémunération des médecins.

Me Ménard avait convoqué les médias dimanche pour sa conférence de presse d'aujourd'hui. La décision du gouvernement, « c'est un drôle de timing, mais ce qui a été dit ne change rien pour nous. Si le ministre veut abolir les frais accessoires, il peut le faire tout de suite. Le problème, c'est qu'on ne sait pas quand la négociation va aboutir. Et cette négociation est très incertaine quant à son résultat et quant à son application. Mais pendant ce temps-là, la surfacturation continue partout », a-t-il plaidé hier.

Le recours judiciaire est intenté par le réseau FADOQ et est appuyé notamment par des syndicats, des groupes communautaires, Médecins québécois pour le régime public et le Conseil pour la protection des malades. « Notre recours vise le ministre fédéral de la Santé pour le forcer à appliquer la loi canadienne partout. Le Québec tolère la surfacturation de tout bord tout côté, et en plus, le projet de loi 20 vient légaliser ça à un certain degré. Tout ça contrevient à la Loi canadienne sur la santé », a plaidé Me Ménard.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) soupçonne que le gouvernement a obtenu des avis concluant que l'encadrement des frais accessoires envisagé par le gouvernement, prévu à la loi 20, n'aurait pas passé le test de la Loi canadienne sur la santé.

Elle se dit ouverte à régler l'enjeu des frais accessoires dans le cadre des négociations pour renouveler les ententes de rémunération, échues depuis un an. « Pour nous, l'important, c'est que les médecins soient compensés correctement » pour l'abolition des frais accessoires, a affirmé son président, Louis Godin.

Si les médecins imposent aux patients des frais accessoires, c'est parce qu'ils considèrent que les coûts de fonctionnement de leurs cabinets et de leurs cliniques ne sont pas couverts adéquatement par l'État. C'est le cas en particulier pour des interventions chirurgicales mineures, selon M. Godin. « Si tu ne trouves pas une façon de compenser correctement les médecins, ils vont tout simplement arrêter de les faire. Et là, c'est la population qui va en souffrir. [...] On ne serait pas capables de transférer ça [les interventions chirurgicales mineures] dans les hôpitaux. »

De son côté, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) soutient qu'elle a elle-même proposé de régler l'enjeu des frais accessoires dans le cadre des négociations. Elle a fait un dépôt en ce sens au gouvernement le 25 avril. « On a été surpris de voir que la réponse est venue via un média », a affirmé sa présidente, Diane Francoeur.

Mais bien des choses devront être négociées avec le ministre qui, selon elle, n'est pas clair à propos de ses intentions. « On va faire ce qu'on a à faire dans le contexte de négociation » pour que la compensation soit juste, a-t-elle dit.

L'intention du ministre est d'intégrer les frais accessoires dans la rémunération des médecins. Il évaluait à 50 millions de dollars par année la valeur de ces frais qui seraient autorisés en vertu de la loi 20. Jusqu'ici, Gaétan Barrette a indiqué qu'il n'a pas l'intention de donner davantage aux médecins que les hausses salariales de 5,25 % consenties aux employés de l'État. Il a décliné une demande d'entrevue. Son cabinet refuse de dire si les médecins seront pleinement dédommagés pour l'interdiction des frais accessoires ou encore s'ils devront couvrir la perte à même leurs hausses de rémunération.