Un médicament très efficace contre l'acné sévère, l'isotrétinoïne, décuple le risque de malformation lorsqu'il est pris durant la grossesse. Les patientes doivent donc utiliser deux méthodes différentes de contraception durant les cinq mois du traitement à l'isotrétinoïne. Or, près des trois quarts des femmes n'en font rien, ce qui mène à des dizaines d'avortements chaque année au Québec, selon une nouvelle étude canadienne.

« Après son introduction au début des années quatre-vingt, on s'est rendu compte qu'il était tératogène, qu'il provoquait des malformations chez le foetus », explique Anick Bérard, épidémiologiste à l'Université de Montréal, qui est l'une des coauteures de l'étude publiée lundi dans le Journal de l'association médicale canadienne. « On l'aurait enlevé du marché si ce n'avait pas été du fait que la moitié des patients sont des hommes et qu'il est extrêmement efficace. On a mis en place des mesures pour éviter les grossesses, mais visiblement, il y a des failles dans le système. » Seulement 24 % à 33 % des femmes prenant de l'isotrétinoïne prennent un contraceptif oral, selon l'étude.

Selon Mme Bérard, l'isotrétinoïne, aussi connu sous le nom d'Accutane, est un tératogène aussi puissant que la thalidomide, un antivomitif des années cinquante et soixante associé à de nombreuses malformations. L'étude de Mme Bérard, qui a suivi 60 000 Canadiennes pendant 15 ans, a relevé 1473 grossesses, dont 90 % ont mené à un avortement et 118 à des malformations. La moyenne des cobayes avait 24 ans.

Les dermatologues doivent avoir une formation pour prescrire l'isotrétinoïne, doivent demander deux tests de grossesse négatifs à une patiente au début du traitement, puis un test de grossesse négatif chaque mois suivant, pour le renouvellement de l'ordonnance. Une prescription pour deux moyens de contraception, dont un anovulant, doit accompagner celle d'isotrétinoïne, qui en outre ne doit pas être utilisée en première ligne. Malgré tout, dans 55 % des cas, aucun autre médicament contre l'acné n'avait été testé, selon l'étude.

Faut-il bannir ce médicament contre l'acné? « Non, il est très efficace, dit Mme Bérard. Juste le fait de connaître le programme de prévention, que les médecins généralistes prennent un peu plus de temps pour discuter avec les jeunes filles. »

Une dermatologue mandatée par la Société canadienne de l'acné et de la rosacée pour commenter l'étude, Shannon Humphrey de l'Université de Colombie-Britannique, abonde dans le même sens. « Il a des patients qui souffrent, qui ont de l'anxiété ou de la dépression à cause de l'acné, a dit le Dr Humphrey à CBC. Tant qu'ils comprennent les effets secondaires, ils sont des candidats idéaux pour ce médicament. » L'isotrétinoïne peut aussi causer des douleurs aux articulations et des pertes de cheveux.

Aux États-Unis seulement certains médecins et certains pharmaciens peuvent le prescrire, ce qui fait diminuer le taux de grossesses, selon Mme Bérard. Une autre étude du même groupe, à partir de données québécoises, montre qu'il y a un peu plus de grossesses ici, probablement parce que l'isotrétinoïne est prescrit davantage par les médecins généralistes -50 % contre 20 % à 40 % ailleurs au Canada.