Aux prises avec une pénurie de radiologistes dans les Laurentides, une trentaine de médecins de famille de Mont-Laurier estiment que la vie de certains de leurs patients, qui doivent notamment attendre plusieurs mois avant d'obtenir des résultats de tests radiologiques, est en danger.

Dans une lettre envoyée le 18 mars au ministre de la Santé, Gaétan Barrette, et à plusieurs intervenants, les médecins déplorent le fait que la liste des radiographies simples non lues sur leur territoire atteint les 5000 cas, et que des mammographies ont des délais de lecture de plusieurs mois.

«Nous, médecins de famille d'Antoine-Labelle, craignons avec raison pour la santé et la survie de nos patients. Chaque patient qui attend pour ses examens se détériore, met sa vie en danger un peu plus [...]», écrivent les médecins dans une lettre obtenue par La Presse.

Deux départs

À l'été 2015, les deux radiologistes desservant le territoire d'Antoine-Labelle ont quitté leurs fonctions et n'ont pas été remplacés. Même si certains radiologistes d'autres régions viennent occasionnellement offrir leurs services sur le territoire, l'attente augmente pour nombre de patients, selon les médecins de Mont-Laurier. «Depuis août 2015, nos délais d'attente en échographies urgentes frôlent les 18 mois», écrivent-ils.

Exemples de cas types qui inquiètent les médecins de famille de Mont-Laurier :

- Une patiente en rémission d'un cancer du sein, qui a une masse à l'autre sein et qui présente un risque élevé de cancer. Cette patiente, qui ne peut pas se payer d'examen au privé, attend sa biopsie depuis sept mois.

- Un enfant de 8 ans attend depuis février 2015 une échographie pour cryptorchidie (absence d'un testicule). Cette échographie est nécessaire pour pouvoir consulter en urologie par la suite. « Chaque mois d'attente peut nuire à sa fertilité et augmenter son risque de cancer de testicule », écrivent les médecins.

- Après une première mammographie, une patiente s'est fait dire qu'elle avait une forte probabilité de cancer. Elle n'a eu sa biopsie que sept mois plus tard, et a appris qu'elle était bien atteinte du cancer. «Elle a perdu sept mois dans sa lutte contre le cancer: inacceptable!!!», écrivent les médecins.

«Nos patients sont en colère. Nous ne sommes pas là pour les regarder mourir. On est là pour les soigner. Il faut trouver des solutions», affirme la Dre Lynda Landry, signataire de la lettre mandatée par ses collègues comme porte-parole.

Barrette au courant

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, dit être au courant de la situation depuis deux semaines. «Le CISSS [Centre intégré de santé et de services sociaux] a une responsabilité territoriale et est en train de s'occuper de la situation», dit-il.

Le ministre assure toutefois que la santé de la population n'est pas en péril. «J'ai déjà vu des listes de 20 000 films en retard. Ceci dit, la situation n'est pas appropriée et des discussions sont en cours pour la régler», dit-il.

La Dre Landry réplique que l'hôpital de Mont-Laurier est petit, et qu'une liste de 5000 cas non traités est énorme. «Ça représente huit mois d'attente pour les patients d'ici», dénonce-t-elle.

Le président-directeur général du CISSS des Laurentides, Jean-François Foisy, explique que des médecins de Saint-Jérôme viennent actuellement prêter main-forte à Mont-Laurier et à l'hôpital de Rivière-Rouge, qui vit aussi la même situation. «On s'assure également que les cas urgents sont traités en 24 à 48 heures», dit-il.

Mais la Dre Landry affirme au contraire que des cas urgents ne sont pas vus dans les délais prescrits. «Parfois, l'examen se fait rapidement, mais n'est pas lu. Les échographies d'urgence ne sont tout simplement pas couvertes. Les patientes doivent aller au privé. Mais nous sommes sur un territoire avec une clientèle très défavorisée. Ce n'est pas tout le monde qui peut se payer ça», dit-elle.

M. Foisy dit travailler avec le ministère de la Santé et l'Association des radiologistes du Québec pour trouver des solutions. «Du recrutement est aussi en cours. D'ici le mois de juin, nous aurons deux nouveaux radiologistes sur place», assure M. Foisy.

Ce dernier reconnaît que certains examens sont en attente. «Mais aucune vie n'est en danger. Nous travaillons à régler le problème», dit-il.

Pour les médecins signataires, le temps presse et une solution doit être trouvée d'ici un mois. «Ça prend un plan B et un plan C. Sinon, combien d'autres cancers vont tarder à être soignés d'ici juin?», demande la Dre Landry.