Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, se dissocie de l'astuce que préparait son collègue Martin Coiteux avant le remaniement ministériel et qui visait à ne pas verser aux médecins toutes les hausses salariales accordées aux employés de l'État.

« Je ne reviendrai pas sur ma signature », a-t-il prévenu hier. Il faudra maintenant voir si le nouveau président du Conseil du trésor qui sera nommé aujourd'hui, Sam Hamad selon les informations obtenues par La Presse, défendra l'idée de son prédécesseur.

La Presse a révélé hier que Québec se préparait à limiter la portée de la « clause remorque » accordée aux médecins à l'automne 2014, en vertu de l'entente sur l'étalement des hausses salariales promises par le gouvernement Charest. Cette clause leur garantit d'obtenir « minimalement les augmentations qui seront accordées aux personnels des secteurs public et parapublic » à compter de 2015.

Selon l'entente de principe conclue en décembre avec le Front commun, les employés de l'État toucheront des hausses salariales de 5,25 % en cinq ans. À cela s'ajoutent le versement de montants forfaitaires qui ne modifie pas les échelles salariales (l'équivalent de 1,5 %) et des gains liés à la relativité salariale, qui ne peuvent s'appliquer aux médecins (2,5 %). Or une source gouvernementale a indiqué que l'augmentation serait limitée à 3 % dans le cas des médecins, ce qui représente environ 200 millions de dollars. On inscrirait dans les textes finaux de l'entente du Front commun que les « paramètres généraux d'augmentation » s'élèvent à 3 %. On accolerait une autre étiquette aux 2,25 % restants pour éviter qu'ils ne concernent aussi les médecins. Ainsi, environ 150 millions de dollars leur glisseraient entre les doigts.

Gaétan Barrette s'est montré agacé au sujet de l'astuce qui se tramait et a clairement fait savoir qu'il n'était pas derrière cette manoeuvre. Il a renvoyé la balle à Martin Coiteux, celui qui était jusqu'ici chargé de définir les « paramètres ».

« Moi, j'ai négocié une entente selon le mandat qu'on m'a donné et qui vient du Trésor. Et il n'est pas question que je revienne sur ma signature », a-t-il déclaré.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec disait d'ailleurs à La Presse que si le gouvernement allait de l'avant avec son astuce, « ça pourrait ressembler à travestir le contenu de l'entente ».

« La clause remorque traite des paramètres, et c'est ce qui a été convenu » avec les fédérations médicales, a expliqué M. Barrette. « Maintenant, les textes qui détermineront ce que seront les paramètres, manifestement, vous l'avez écrit, ne sont pas définitivement écrits. Ces paramètres-là sont dans le territoire de mon collègue au Trésor. Il faudrait peut-être que vous dirigiez vos questions à la personne qui écrit les textes définitifs. »

Martin Coiteux a décliné notre demande d'entrevue. Il changera de fonction aujourd'hui en raison du remaniement ministériel.

Alors que des libéraux militent pour une réduction des augmentations salariales promises aux médecins d'ici 2021, Gaétan Barrette prévient qu'il est hors de question pour lui de revenir sur son entente avec les fédérations médicales.

« J'ai réussi à arracher un étalement sur lequel on ne revient pas et avec la garantie que la base de négociation [des prochaines ententes de rémunération] serait les paramètres [d'augmentation de la fonction publique]. »

« Il n'y a personne dans le gouvernement qui a plaidé auprès de moi une récupération » de sommes, a-t-il noté. Selon lui, la rémunération des médecins est à un « niveau approprié ».

Pour la porte-parole du Parti québécois en matière de santé, Diane Lamarre, le gouvernement ne doit pas se contenter de limiter la portée de la clause remorque des médecins. Il doit également récupérer les sommes versées en trop aux médecins dont a fait état la vérificatrice générale Guylaine Leclerc.