Attendez un peu avant de déchirer vos billets d'avion pour le Mexique ou la Martinique. Un virus appelé Zika suscite l'émoi dans le Sud, où il semble lié à des malformations chez les bébés. Un expert interrogé par La Presse incite toutefois les Canadiens à garder leur calme. Le point en six questions.

Qu'est-ce que le Zika?

Il s'agit d'un virus identifié pour la première fois chez l'humain en 1954 au Nigeria. Il est passé sous le radar pendant des décennies avant de ressurgir récemment dans l'actualité. Il est débarqué en Amérique du Sud en mai dernier et s'y répand depuis. Au Brésil, il pourrait avoir infecté jusqu'à 1,5 million de personnes. On le trouve maintenant tant en Colombie et au Mexique qu'au Panama, mais aussi en Martinique, en Guadeloupe et en Haïti.

Comment contracte-t-on le virus?

Comme c'est souvent le cas pour les maladies tropicales, ce sont les moustiques infectés qui transmettent la maladie. Les scientifiques étudient une poignée de cas où le virus aurait pu se transmettre par contact sexuel, mais cela n'a pas été confirmé.

Quels sont les symptômes?

Dans la plupart des cas, la personne infectée ne s'en rendra même pas compte. D'autres ressentiront une faible fièvre, des maux de tête, des douleurs musculaires ou une douleur derrière les yeux. Il n'existe ni médicament ni vaccin. Selon l'Organisation mondiale de la santé, aucune mort reliée au virus Zika n'a été rapportée.

Pourquoi alors le virus fait-il peur?

C'est le gouvernement brésilien qui a lancé un pavé dans la mare l'an dernier en avançant un lien possible entre le virus Zika et la naissance de bébés dont la tête est anormalement petite (microcéphalie). Les cas de microcéphalies ont explosé dans certaines régions du Brésil où le Zika est très présent, et l'Organisation panaméricaine de la santé considère aujourd'hui le virus comme le suspect numéro un. Les chercheurs croient que ces anomalies surviennent lorsqu'une femme enceinte est infectée par le virus, particulièrement durant les trois premiers mois de la grossesse. Certains craignent que l'incidence des microcéphalies ne monte en flèche au Brésil et que le phénomène ne gagne le reste de l'Amérique latine.

Le virus pourrait-il gagner le Canada?

« La réponse courte est non », répond Joel Kettner, directeur médical de l'International Centre for Infectious Diseases de Winnipeg. Le spécialiste explique que les deux espèces de moustiques qui transmettent le virus Zika ne vivent pas sous nos latitudes. Santé Canada a confirmé que trois Canadiens vivant en Colombie-Britannique et en Alberta ont été infectés récemment après des voyages au Salvador et en Colombie. Mais comme le virus ne semble pas se transmettre entre les humains, le gouvernement juge que le risque est « mince » qu'une transmission se produise au pays.

Les voyageurs devraient-ils éviter les pays touchés?

La semaine dernière, l'Agence de la santé publique du Canada a recommandé que les femmes enceintes ou qui envisagent de le devenir envisagent avec leur médecin « la possibilité de remettre à plus tard un voyage » dans les régions touchées. Les autorités américaines ont publié un avis similaire le même jour.

Photo Associated Press

Comme c’est souvent le cas pour les maladies tropicales, ce sont les moustiques infectés qui transmettent le virus Zika.

Photo ERNESTO BENAVIDES, Agence France-Presse

Le virus Zika a débarqué en Amérique du Sud en mai dernier et s’y répand depuis.

L'avis de l'expert

« Ces avertissements ont des conséquences énormes, à la fois sur les voyageurs et les pays touchés, affirme Joel Kettner, directeur médical de l'International Centre for Infectious Diseases de Winnipeg. Rappelez-vous quand l'Organisation mondiale de la santé a recommandé d'éviter Toronto à cause du SRAS... « Il faut mettre les choses en perspective et comparer ce risque à tous les autres que nous prenons dans nos vies », dit-il.

Lui-même recommanderait-il à une femme enceinte de son entourage d'annuler son voyage au Mexique ou à la Barbade ? « Laissez-moi voir... Il fait - 7 °C aujourd'hui à Winnipeg, et c'est le jour le plus doux de la semaine. Ça répond à votre question ? », lance-t-il à la blague.

« Si vous vous sentez nerveuse et tracassée à l'idée d'y aller, oubliez ça ! recommande M. Kettner. Mais sinon, je dirais : envoyez-moi le billet ! Surtout qu'il y a des façons de réduire le risque d'être piqué par un moustique. »