Il n'y a pas de baisse de productivité chez les médecins et les statistiques laissant croire le contraire sont trompeuses, estiment les fédérations médicales. Or le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, soutient que ces mêmes statistiques lui donnent raison de vouloir amener les médecins à offrir plus de services.

La Presse rapportait hier que, selon les plus récentes statistiques disponibles, la rémunération moyenne des médecins (omnipraticiens et spécialistes confondus) a augmenté de 44 % entre 2008 et 2014, mais que le nombre moyen d'actes a diminué de 10 % au cours de la même période.

« Est-ce que les médecins spécialistes travaillent moins ? La réponse est non », a réagi la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Diane Francoeur. « Et dans nos chiffres, quand on compare les pommes avec les pommes, les oranges avec les oranges, on a augmenté notre productivité. » Elle a l'exemple des chirurgies - une partie des actes faits par les spécialistes -, qui ont augmenté de 33 % entre 2006 et 2013.

Pour l'ensemble des services, on constate toutefois une diminution au cours de la même période pour ce qui est de la rémunération à l'acte, selon les données de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). Selon Mme Francoeur, cette statistique ne tient pas compte de certains facteurs et ne fait aucune distinction entre les types d'actes. « Moi, je ne suis pas présidente de la RAMQ, et vous demanderez à M. [Jacques] Cotton pourquoi il présente un rapport comme ça », a-t-elle lancé. Elle reconnaît que quelques spécialistes « ne travaillent pas assez », mai leur nombre est « tellement marginal ». 

« On a tous notre François Bugingo, et il y en a chez tous les professionnels. On les surveille. »

Elle soutient que l'un des freins à une hausse de la productivité est la disponibilité des salles d'opération. Une entente intervenue avec Québec permettra toutefois de corriger la situation.

Comparaison difficile, selon la FMOQ

De son côté, le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), Louis Godin, souligne que les ententes sur la rémunération visaient à permettre aux médecins québécois d'obtenir un rattrapage par rapport à leurs collègues du reste du Canada. 

« Elles n'avaient pas pour objectif d'augmenter le nombre de services. »

La nomenclature des actes a également changé au fil des ans, si bien que faire des comparaisons est devenu difficile, selon lui. Il a ajouté qu'à compter d'avril 2016, la rémunération à l'acte, devenue passablement complexe au fil des ans, diminuera pour donner plus d'importance au système de paiement par capitation. Selon ce système, le médecin reçoit un forfait pour la prise en charge d'un certain nombre de patients.

M. Godin a fait valoir que les omnipraticiens avaient donné plus de place aux infirmières et que, par conséquent, ils donnaient moins certains services pour en donner d'autres, plus spécialisés. Ce facteur explique, selon lui, en partie la baisse du nombre moyen d'actes.

« Voyons, voyons, voyons, pensez-vous vraiment que ce monde-là va admettre » qu'il y a un problème de productivité ? a réagi le ministre Gaétan Barrette, ancien président de la FMSQ. « Il y a plus de médecins et moins de services. Ce sont des données qui démontrent la justification d'avoir la loi 20. » Il a ajouté que « l'écart entre la situation actuelle et la productivité idéale ou attendue est plus grand du côté des médecins de famille que des spécialistes ».