À moins d'un an du déménagement du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), plusieurs services n'ont pas encore déterminé quels soins seront ou non offerts à la population dans le nouvel établissement. Dans un rapport confidentiel obtenu par La Presse, on apprend que plusieurs services du CHUM ne s'entendent pas sur la «vision académique» de leur établissement et n'ont donc pas encore décidé de quelle façon leur service sera organisé.

Rédigé par deux accompagnateurs à la demande du chef du département de médecine du CHUM, le Dr Paul Hébert, le rapport explique d'emblée que la frustration et le scepticisme sont présents chez plusieurs médecins du CHUM. «Ce climat organisationnel a créé un frein à la capacité de l'organisation à faire face aux changements alors que le CHUM entame le sprint final vers le déménagement de ses activités dans le nouvel établissement.»

L'objectif du rapport était de «provoquer une prise de conscience de l'urgence de préparer le regroupement et le déménagement [...] en précisant la vision académique 2020 des services» et «en redéfinissant l'offre de service de chaque service».

Même si la majorité des 110 médecins rencontrés par les accompagnateurs ont dit adhérer à la triple mission du CHUM en soins, en enseignement et en recherche, les accompagnateurs notent que plusieurs ne sont pas très engagés dans la recherche. Au cours des dernières années, le recrutement de nouveaux médecins s'est fait surtout en fonction de leur expertise clinique, sans qu'on leur ait imposé d'exigences de recherche.

Dans ce contexte, peu de services «ont développé une approche planifiée et claire de leur mission académique», notent les accompagnateurs.

Les services aux patients

Puisque les services du CHUM ne parviennent pas à se doter d'une vision claire, «peu de services ont complété l'exercice de définir les clientèles et les activités cliniques de leur service dans le CHUM de 2020». Alors que le déménagement approche, les soins qui seront ou non offerts aux patients dans le nouveau CHUM restent indéterminés.

«Une telle opération oblige les services à faire des choix et à probablement laisser aller certaines activités à d'autres entités que le CHUM», notent les accompagnateurs. Ces décisions feront perdre des revenus à certains médecins, et laissent envisager des «affrontements entre collègues, que tous souhaitent éviter». «De là la tendance à écarter ou retarder l'obligation de déterminer les activités cliniques et les clientèles qui seront desservies en fonction de la vision académique du service...», est-il écrit dans le rapport.

On peut également lire que les «nombreuses incertitudes politiques et organisationnelles engendrées par les réformes du réseau de la santé n'aident pas les membres des services à faire ces choix».

Un hôpital difficile à gérer

Au début du mois de septembre, Québec annonçait que le directeur général du CHU Sainte-Justine, Fabrice Brunet, devenait également directeur général du CHUM. La mission de ce dernier s'annonce délicate.

Dans le rapport, on note qu'un fossé existe au CHUM entre les parties administrative et médicale de l'hôpital. Deux visions s'affrontent: les partisans de la mission de soins s'opposent à ceux valorisant la recherche et l'enseignement. Ces visions «sont souvent perçues en opposition», notent les accompagnateurs.

Plusieurs membres du département de médecine rapportent aussi «plusieurs problèmes» dans leurs liens avec l'Université de Montréal, notamment quant à l'accès à des postes de professeur à temps plein. Plusieurs médecins du CHUM n'ont «pas développé un réel sentiment d'appartenance à l'Université».

Le directeur va agir

En entrevue avec La Presse, le nouveau directeur général du CHUM, Fabrice Brunet, dit avoir donné trois mois aux équipes médicales pour établir leur plan clinique. Le premier projet clinique du nouveau CHUM avait été préparé en 2009. Puis modifié en 2011. Mais les nombreux changements survenus au cours des dernières années poussent le CHUM à revoir ses projections.

«Nous allons regarder ensemble toutes les hypothèses. Je vais faire le tour des médecins pour récolter leur avis et agir ensuite», annonce M. Brunet.

Ce dernier a l'intention d'intervenir tout en douceur avec les médecins du CHUM. «Une vision ne doit jamais être imposée. Les gens doivent y arriver progressivement. Pour améliorer la santé de la population, nous devons avoir autant de gens qui travaillent aux soins qu'à la recherche et à l'enseignement. Mais on doit respecter les intérêts de chacun. Je ne vais rien imposer», affirme-t-il.

Au ministère de la Santé, la porte-parole Noémie Vanheuverzwijn dit qu'une rencontre est prévue avec le CHUM cet automne. «À cette occasion, le CHUM fera le point sur son projet clinique et un tableau de bord pour le suivi des résultats sera déposé, afin que tout soit prêt pour le déménagement», dit-elle.