Il devait naître aujourd'hui. Mais le petit Jolan Lemieux a plutôt choisi de pointer le bout de son nez en août. En plus d'être prématuré, le poupon est né avec une tumeur particulière au cerveau. Grâce à une opération aussi rare que délicate, le neurochirurgien pédiatrique Jean-Pierre Farmer, de l'Hôpital de Montréal pour enfants, est parvenu à retirer la masse. Le petit Jolan, qui séjourne actuellement à l'hôpital, se porte très bien.

«On pensait le perdre. Jolan est un miraculé», affirme sa maman, Audrey-Ann Bouffard.

La grossesse de Mme Bouffard s'est déroulée sans véritable anicroche. Mais le 21 août, elle perd des liquides et décide de se présenter à l'hôpital près de chez elle, à Lévis. «On m'a fait une échographie et on a vu que le bébé ne bougeait presque pas. On a aussi noté qu'il avait une tache grise au cerveau», relate-t-elle.

Une tache grise

En urgence, on effectue une césarienne vers 18h ce jour-là. À la naissance, Jolan pèse 6 livres. «Il a passé à peine deux minutes dans mes bras. Puis les infirmières sont parties avec lui», raconte le père, Vincent Lemieux.

Une échographie est faite sur la tête de Jolan. On voit de nouveau la tache. On croit à ce moment qu'il a fait un accident vasculaire cérébral (AVC). «On nous a transférés au CHUL [Centre hospitalier de l'Université Laval] à Québec», précise M. Lemieux.

Durant la nuit, différents tests sont réalisés sur Jolan. Certains résultats sont acheminés à l'équipe du Dr Farmer, à l'Hôpital de Montréal pour enfants, reconnu comme une sommité en neurochirurgie. Dès qu'il voit les résultats, le spécialiste pose le diagnostic: Jolan a une tumeur congénitale au cerveau. Il devra être opéré.

«J'ai aussitôt acheminé les données à une collègue de l'Institut neurologique de Montréal, la Dre Donatella Tampieri, qui m'a aidé en prévision de l'opération. Il s'agissait d'une tumeur très rare», indique le Dr Farmer.

Opéré à Montréal

Dès le lendemain matin, le petit Jolan est envoyé par avion à Montréal. Ses parents le suivent en voiture. «On n'avait pas beaucoup d'information à ce moment. On était inquiets. On pensait perdre le bébé. Ou vivre avec un enfant gravement handicapé», se souvient M. Lemieux.

À l'Hôpital de Montréal pour enfants, d'autres tests sont réalisés. Puis, on annonce aux parents que Jolan devra être opéré au cerveau. «Jusque-là, tout était allé très vite. Tout le monde nous épaulait, mais tout ce qui se passait nous dépassait. Quand on est arrivés ici, on a enfin été fixés. Et on a vraiment pris le temps de nous accompagner là-dedans», raconte M. Lemieux, rencontré vendredi dernier à l'Hôpital de Montréal pour enfants.

Jolan a été opéré le 26 août. La tumeur qui a été retirée faisait 6 centimètres de long. Dans toute l'histoire de l'hôpital, seulement une trentaine de tumeurs de ce genre ont été recensées.

«Ce genre de tumeur, ça fait peur. Le défi est d'autant plus grand que l'opération devait se faire sur un bébé prématuré. Les risques étaient plus grands», souligne le Dr Farmer. Jolan pouvait entre autres faire une hémorragie, ce qui aurait menacé sa vie.

Une histoire de succès

Pour le Dr Farmer, l'histoire du petit Jolan démontre la pertinence et l'efficacité du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Au cours des dernières semaines, les nombreux ratés du nouvel hôpital, installé sur le terrain de la gare Glen, ont fait la manchette. «Mais on passe sous silence tous les exploits qui se font ici tous les jours. Il faut le dire», affirme le Dr Farmer.

Ce dernier indique que même si le CUSM, dont fait partie l'Hôpital de Montréal pour enfants, est situé dans la métropole, des patients de tout le Québec peuvent bénéficier de son expertise. «Jolan vient de Lévis. On offre des soins de pointe, qui desservent des gens de la province en entier. On peut être fiers», dit le Dr Farmer.

Dans les prochains jours, le petit Jolan poursuivra sa convalescence au CHUL de Québec. «Mais nous continuerons de le suivre à distance, et ce, encore longtemps», note le Dr Farmer.

Pour les parents de Jolan, même si le développement de leur poupon devra encore être suivi de près, le pire est passé. «Jolan est très petit. Mais il est passé au travers de bien plus de choses que nous déjà», note sa maman, qui a bien hâte de retourner à Lévis pour s'occuper de sa fille aînée, âgée d'à peine 21 mois.

L'opération en quatre étapes

1. Dès qu'il a reçu les premières images de la tumeur de Jolan, prises par des collègues du CHUL, le DJean-Pierre Farmer a contacté la Dre Donatella Tampieri, de l'Institut neurologique de Montréal, une radiologiste spécialisée dans les embolisations. Cette technique consiste essentiellement à boucher les artères qui irriguent la tumeur pour en limiter l'apport sanguin. «On veut que la tumeur arrête d'être "nourrie"», explique le DFarmer. Ce dernier savait que la tumeur de Jolan devait subir une embolisation avant l'intervention chirurgicale.

2. À son arrivée à l'Hôpital de Montréal pour enfants, Jolan a subi d'autres tests. «Il n'allait pas bien. On voulait être certains qu'il n'avait pas d'hémorragie au cerveau», laisse savoir le DFarmer. Le poupon ne présentait que de l'oedème dans la région de la tumeur, qui a été contrôlé à l'aide d'un médicament.

3. La veille de l'opération, la Dre Tampieri a procédé à l'embolisation de la tumeur.

4. Le jour de l'opération, le DFarmer a retiré la tumeur en utilisant un système informatisé de pointe qui permet de bien localiser la tumeur en utilisant les images prises par résonance magnétique. La salle d'opération de neurologie du nouvel Hôpital de Montréal pour enfants possède un accès direct à un appareil de résonance magnétique. «Durant l'opération, on peut transférer le patient dans l'appareil pour voir si tout est enlevé», indique le DFarmer. Dans le cas de Jolan, aucune tumeur résiduelle n'a été détectée.