Santé Canada permettra aux producteurs autorisés de marijuana médicale de distribuer de l'huile de cannabis, dans la foulée d'un jugement de la Cour suprême rendu en juin.

La Cour a statué dans l'affaire Smith qu'il était inconstitutionnel pour le gouvernement fédéral de limiter l'accès des patients autorisés à la seule marijuana séchée et devant être fumée, puisqu'elle mettait leur santé et leur sécurité en danger.

Mais le jugement portait principalement sur la possession et le trafic de formes dérivées de cannabis, et la ministre de la Santé avait vivement dénoncé les conclusions du plus haut tribunal du pays. Des questions restaient donc en suspens quant à l'impact de cet arrêt sur les producteurs autorisés et sur la manière dont les usagers pourraient se procurer de tels en produits dérivés.

Le ministère fédéral de la Santé a répondu à ces questions mercredi, en annonçant une exemption à l'article 56 du Règlement sur la marijuana à des fins médicales pour permettre aux producteurs autorisés de vendre de l'huile de cannabis. L'exemption entre en vigueur immédiatement, mais ces producteurs devront obtenir une autorisation supplémentaire pour distribuer le nouveau produit.

«C'est une excellente nouvelle pour deux raisons. D'abord, la marijuana médicale est devenue aujourd'hui un peu plus médicale. Et je crois qu'elle est devenue plus accessible et déstigmatisée pour plusieurs personnes», s'est réjoui Adam Miron, cofondateur d'Hydropothicaire, la seule compagnie du Québec parmi les 25 producteurs autorisés par Santé Canada.

M. Miron a précisé que cette huile pourra être consommée par des patients dans un vaporisateur ou une cigarette électronique, ou encore être utilisée en cuisine, pour faire des produits comestibles comme des biscuits, par exemple.

«Dites adieu à la fumée, dites adieu au joint: vous pouvez maintenant de manière sécuritaire et contrôlée acheter de l'huile de cannabis de haute qualité et la consommer très discrètement, que ce soit dans votre nourriture ou dans un vaporisateur», a lancé l'homme d'affaires.

Ce sont les tribunaux qui ont pavé la voie au régime de marijuana médicale par l'entremise de décisions judiciaires rendues depuis 15 ans. Le gouvernement fédéral a adopté un nouveau modèle en 2013, par lequel seules quelques entreprises privées peuvent produire du cannabis consommé par des patients qui se conforment aux exigences du programme. En vertu de l'ancien régime, les patients eux-mêmes ou des personnes qu'elles désignaient pouvaient faire pousser leurs propres plants. Ils peuvent toujours le faire grâce à une injonction rendue dans un dossier qui est toujours devant les tribunaux.

L'affaire Smith mettait en cause un homme de la Colombie-Britannique accusé en 2009 d'avoir eu en sa possession des biscuits et des huiles à base de cannabis, qu'il transformait pour les membres d'un club de patients basé sur l'île de Vancouver.

La Cour suprême a donné raison aux deux tribunaux inférieurs de la province et décrété que ces accusations et l'interdiction de posséder de la marijuana à des fins thérapeutiques sous d'autres formes que séchée contreviennent au droit à la liberté et à la sécurité des patients et des producteurs, garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

«Ces personnes s'exposent à des sanctions criminelles si elles produisent ou possèdent des produits de cannabis autres que de la marijuana séchée», a écrit la Cour. Le régime expose également «les personnes visées aux risques de contracter un cancer ou des infections des bronches qui sont associés au fait de fumer de la marijuana sèche, et les empêche de choisir un traitement plus efficace.»

«En outre, en contraignant ces personnes à choisir entre, d'une part, un traitement légal, mais inadéquat et, d'autre part, une solution illégale, mais plus efficace, la loi porte également atteinte à la sécurité de la personne», ont conclu les sept juges qui ont entendu ce dossier.

La ministre de la Santé, Rona Ambrose, s'était insurgée contre cette décision: «La marijuana n'a jamais été soumise au processus d'approbation réglementaire de Santé Canada, qui requiert une évaluation rigoureuse de la sécurité et des tests cliniques exigeant des preuves scientifiques», a-t-elle lancé.

«Franchement, je suis indignée par la Cour suprême.»

Dans son communiqué diffusé mercredi, Santé Canada a réitéré que «la marijuana n'est pas un médicament approuvé au Canada et n'a pas fait l'objet des rigoureux essais scientifiques nécessaires pour en garantir l'efficacité et l'innocuité. Les tribunaux canadiens ont exigé un accès raisonnable à une source légale de marijuana prescrite par un médecin à des fins médicales. La position du gouvernement du Canada est que ce processus doit se dérouler de façon contrôlée pour protéger la santé et la sécurité du public».