L'explosion du nombre de médicaments dangereux inquiète l'Ordre des pharmaciens du Québec, l'opposition officielle à Ottawa et d'autres organismes, secoués par les révélations publiées hier dans La Presse.

« On a besoin d'un système d'approvisionnement sécuritaire, et pour ça, il faut avoir plus de ressources et de pénalités. Ça prend des choses vraiment atroces pour qu'une entreprise perde sa licence ; même après de nombreux incidents, certaines restent en opération », a déploré en entrevue le président de l'Ordre, Bertrand Bolduc.

« Les conservateurs ont manqué à leur responsabilité fondamentale [...] en raison de leur système d'inspection inefficace », a renchéri dans un communiqué le porte-parole du Nouveau Parti démocratique fédéral en matière de santé, Murray Rankin.

La veille, La Presse révélait qu'un retrait urgent de la circulation - fait pour éviter de graves conséquences - survient désormais chaque semaine, en moyenne, au Canada. Le nombre de cas à haut risque a même quadruplé (passant de 11 à 54 entre 2006 et 2013), tandis que le nombre total de retraits doublait (pour atteindre 176).

En 2014-2015, les rappels ont continué à pleuvoir, puisqu'on en a alors compté 168, selon des données additionnelles fournies par Santé Canada après la publication de notre dossier. Certains médicaments contenaient des morceaux de verre, des particules ou le mauvais ingrédient.

En plus de mettre les patients en danger, ces problèmes causent des pénuries. « C'est inquiétant pour les aînés. Ne pas pouvoir renouveler son ordonnance, ça crée beaucoup de stress », déplore Pierre-Paul Côté, président de l'Association des retraités de l'éducation et des autres services publics du Québec, qui compte 57 000 membres.

Les pharmaciens aussi sont éprouvés. L'an dernier, des pompes de nitroglycérine - vitales pour soulager l'angine de poitrine et prévenir les infarctus - se sont révélées défectueuses. « L'épisode a été infernal ! Certains pharmaciens ont dû téléphoner à 400 ou 600 patients, se souvient Bertrand Bolduc. Et pendant ce temps-là, ils ne sont pas en train d'offrir des services pharmaceutiques. »

Inspections

L'automne dernier, un comité sénatorial a décrété que le Ministère « ne dispose pas des moyens nécessaires pour [...] protéger les Canadiens ». Les médicaments sont de plus souvent fabriqués à moindre coût, dans des pays en voie de développement, où les inspections sont rarissimes. Mais les problèmes touchent aussi des usines canadiennes. Hier encore, l'antipsychotique générique Zyprexa, fabriqué à Toronto par Apotex, a été rappelé aux États-Unis, parce qu'il n'était pas assez concentré.

« Santé Canada prend son mandat de protéger la santé et la sécurité avec un extrême sérieux, a néanmoins assuré une porte-parole du Ministère dans un courriel envoyé à La Presse. Jusqu'à récemment, les rappels devaient être négociés avec les pharmaceutiques. Mais la nouvelle loi C-17 nous donne le pouvoir de forcer rapidement le retrait des produits dangereux. Elle prévoit aussi de nouvelles amendes et des sentences de prison sévères pour les entreprises qui mettent consciemment les Canadiens en danger. »