Deux des trois grands établissements publics québécois de lutte à l'infertilité, le CHUM et le CUSM, ont estimé mardi que le projet de loi 20 risquait fort de mettre en péril le programme de procréation médicalement assistée et ainsi laisser en plan quantité de couples infertiles avec leur désir d'enfant.

Le Centre de la reproduction du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), à Montréal, considéré comme le chef de file de la procréation médicalement assistée au Québec, pourrait même devoir fermer ses portes, si le projet de loi 20 est adopté tel quel.

Bien des femmes désireuses de donner la vie se retrouveraient ainsi privées d'une ressource qui s'est acquis une reconnaissance internationale dans le traitement de l'infertilité, ont indiqué mardi les dirigeants du centre, en commission parlementaire sur le projet de loi 20.

Le projet de loi piloté par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, met en cause «l'existence même» du centre qui a développé au fil des ans une expertise reconnue en la matière, selon la direction.

«C'est aussi l'espoir de plusieurs milliers de couples qu'on risque de tuer», peut-on lire dans le mémoire déposé par l'institution, qui recommande de maintenir la gratuité du service lorsqu'il est médicalement requis.

Actuellement, l'accès gratuit au programme encourage les femmes à y recourir plus tôt, donc quand elles sont plus jeunes, diminuant d'autant les risques pour leur santé et celle du bébé à naître, a fait valoir le directeur médical du centre, le Dr William Buckett.

Chaque année, le centre de la reproduction du CUSM pratique 1500 cycles d'insémination artificielle et 2300 cycles de fécondation in vitro.

En fin de journée, la direction du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) a renchéri pour affirmer que le programme devait continuer à être couvert par la Régie de l'assurance-maladie, tout en étant mieux encadré.

En abolissant la gratuité, la loi 20 aurait pour effet de conduire «inévitablement» les couples vers «le tourisme procréatif», avec tous les risques que cela comporte, prévient le CHUM dans son mémoire.

Le programme québécois, «qui est un exemple au niveau mondial», va tout simplement «s'étouffer et disparaître tout doucement», a déploré le Dr Jacques Kadoch, directeur médical de la clinique de procréation assistée du CHUM, durant son témoignage en commission parlementaire.

Il a dénoncé «le manque de logique» du gouvernement dans ce dossier. «Si la gratuité n'est plus là, l'accessibilité va être réduite», a-t-il fait valoir en point de presse.

De son côté, le centre de la reproduction du CUSM demande par ailleurs au ministre de renoncer à interdire aux femmes âgées de 43 ans et plus de recourir à la fécondation in vitro.

Le Commissaire à la santé et au bien-être, Robert Salois, a renchéri en proposant au gouvernement d'adopter une approche nuancée sur la question de l'âge, et croit qu'un moratoire sur la question de l'âge serait de mise, le temps d'examiner la question plus en profondeur.

M. Salois a demandé par ailleurs à Québec de créer un registre répertoriant les activités de procréation assistée, tout en plaidant pour une révision de la rémunération à l'acte offerte aux médecins. Il privilégie un mode de rémunération mixte, qui permettrait de mieux répondre aux besoins. Le ministre a déjà rejeté cette avenue.

Le projet de loi 20 porte sur deux thèmes: l'encadrement de la procréation médicalement assistée et l'imposition de quotas de patients aux médecins, en vue d'accroître leur productivité et les rendre plus accessibles.

À ce propos, un groupe de médecins en colère organise un sommet visant à élaborer une solution de rechange au projet de loi 20.

Le sommet se tiendra les 9 et 10 mai à Montréal et devrait se conclure par une série de propositions au gouvernement devant faciliter l'accès aux médecins pour les soins de première ligne, sans devoir passer par les mesures coercitives inscrites au projet de loi défendu par le ministre de la Santé.

L'initiative, lancée mardi, est menée par le Regroupement des omnipraticiens pour une médecine engagée (ROME), une association qui compte quelque 450 médecins de famille.

Les médecins du ROME rejettent le projet de loi 20 et demandant au ministre Barrette de le retirer.

En conférence de presse, les porte-parole du groupe ont dit estimer que le projet de loi ne favoriserait pas un meilleur accès aux soins de santé, contrairement à ce que prétend le ministre en voulant leur imposer des quotas de patients sous peine de pénalités financières.

Une des solutions du regroupement consiste à préconiser de façon systématique le travail en équipe multidisciplinaire, a commenté le Dr Jean-Philippe Blondeau.

ROME veut notamment intégrer davantage les infirmières et les pharmaciens au travail des médecins.