Depuis une quinzaine d'années, une foule d'études sur le risque de psychose lié au cannabis ont été publiées. Le risque est réel, s'accordent à dire les chercheurs. Mais certains avancent que seule la consommation précoce pose réellement problème. Une chose est sûre : ceux qui ont des parents proches schizophrènes ou psychotiques devraient éviter le pot.

CONSOMMATION PRÉCOCE...

Le cannabis est-il dangereux seulement pour les adolescents ? C'est le débat qui divise les chercheurs spécialistes du lien entre pot et psychose. « Notre étude a montré que le risque de psychose disparaît si la consommation de cannabis débute à l'âge adulte, dans la vingtaine », explique Louise Arseneault, une psychologue du King's College, à Londres, qui a publié plusieurs études sur le sujet il y a une dizaine d'années. « Ça pourrait être parce que le cerveau des adolescents est plus vulnérable, ou alors parce qu'ils sont plus susceptibles de faire une grosse consommation. »

OU RISQUE ÉGAL POUR TOUS

Stanley Zammit, de l'Université de Cardiff en Angleterre, qui a participé à des études suédoises de longue durée sur le sujet, pense que si on tient compte de l'effet cumulatif du cannabis sur le cerveau, il n'y a pas de différence de risque entre les adolescents et les adultes. « Certaines études sur des rats suggèrent que leur cerveau est plus sensible aux effets du cannabis à la puberté qu'à l'âge adulte, mais il n'y a pas pour le moment de données solides à cet effet chez l'humain. »

AUTOMÉDICATION

Le taux de tabagisme chez les schizophrènes est extrêmement élevé, de l'ordre de 80 %, ce qui est une forme d'automédication. Et si c'était la même chose pour le cannabis ? « Certains schizophrènes rapportent qu'ils fument du cannabis pour se relaxer et se défaire d'idées négatives », indique Wayne Hall, un psychologue de l'Université de Queensland en Australie qui a publié plusieurs méta-analyses sur le cannabis et les psychoses. M. Hall, Louise Arsenault et Stanley Zammit s'accordent pour dire que l'automédication de la psychose avec le cannabis existe, mais qu'elle n'explique qu'une faible partie du risque.

SOLDATS SUÉDOIS

La première étude qui s'est intéressée au risque de psychose associé au cannabis a été publiée à partir de la fin des années 80, à partir de 20 ans de données sur les conscrits de l'armée suédoise - les derniers résultats sont sortis l'an dernier. Depuis une quinzaine d'années, des études ont été publiées à partir d'une dizaine de suivis de cohortes importantes. Une douzaine de méta-analyses regroupant plusieurs études sur le sujet. En moyenne, la consommation de cannabis est associée à un risque deux à trois fois plus élevée de psychose.

GÉNÉTIQUE

Le groupe de Louise Arseneault a montré que les fumeurs de cannabis n'ayant pas un gène de susceptibilité à la schizophrénie et à la psychose n'ont pas plus de risque de psychose que la population en général. « Si le risque de psychose augmente de 2 à 3 fois avec le cannabis, ça veut dire que pour la population en général, le risque passe de 1 % à 2 % ou 3 %, dit Mme Arseneault. Mais quand on a un parent proche, qui souffre de psychose ou de schizophrénie, le risque avec le cannabis passe de 10 % à 20 % ou 30 %. C'est énorme. »

EN CHIFFRES

13 % : Proportion des psychoses qui serait due à la consommation de cannabis en Australie

Deux à trois fois : Augmentation du risque de psychose liée à la consommation de cannabis, en tenant compte des risques familiaux et de la consommation d'alcool, selon plusieurs études

7,8 % : Proportion des patients ayant un diagnostic de troubles psychotiques en Australie qui sont dépendants au cannabis

Six fois : Risque accru de schizophrénie chez les Suédois ayant consommé plus de 50 fois du cannabis avant l'âge de 18 ans

TAUX DE THC

La hausse du taux de THC depuis les dernières décennies est souvent invoquée pour expliquer la hausse des hospitalisations. Selon des études américaines et hollandaises, le taux de THC a quadruplé depuis 40 ans. On ne connaît toutefois pas le taux associé aux psychoses, souligne Wayne Hall. « La hausse pourrait diminuer le risque de psychose parce que certains utilisateurs abandonnent le cannabis rapidement après les premiers essais, dit M. Hall. C'est un bon exemple des effets néfastes de la prohibition du cannabis : il n'est pas réglementé et on ne peut pas cibler les gens les plus à risque. »

EFFETS COGNITIFS

Les psychologues sont récemment passés de l'étude des psychoses liées au cannabis à ses effets cognitifs. Une étude néo-zélandaise a notamment conclu que les fumeurs de pot qui commencent tôt à l'adolescence et continuent durant l'âge adulte ont un QI de huit points moins élevé que leurs pairs abstinents (les deux tiers de la population ont un QI entre 85 et 115). Ceux qui commençaient à fumer à l'âge adulte n'avaient pas de problème de QI. « Des études neurologiques semblent montrer que l'usage continu de cannabis affecte les régions du cerveau impliquées dans la mémoire et l'attention », note Wayne Hall.