Malgré les hauts cris des pharmaciens, le gouvernement Couillard a l'intention ferme de réduire leurs honoraires pour économiser 133 millions de dollars. Il balaie d'un revers de main le spectre d'une baisse des services que brandit l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP).

La réduction des honoraires de l'assurance publique est prévue au projet de loi 28 «visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2015-2016». Les consultations ont débuté hier en commission parlementaire.

Le ministre des Finances, Carlos Leitao, a indiqué que le gouvernement «a besoin de tous ces sous», les 133 millions, pour atteindre le déficit zéro. «S'il y a des ajustements à faire, ce sera au ministre de la Santé de le faire, pas moi», a-t-il dit.

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a soutenu que les économies de 133 millions sont «certainement l'ordre de grandeur maximal que l'on veut aller chercher». Il montre bien peu d'ouverture à abaisser sa cible d'économies qu'il qualifie de maximum. Questionné s'il est prêt à réduire les coupes à 100 plutôt que 133 millions, il a affirmé que s'il y a une «marge» pour négocier, «ce n'est pas de cette hauteur-là».

Il a laissé entendre par la suite que la «marge» sur la somme des coupes est à peu près inexistante. «On a un objectif de dollars. Eux (les pharmaciens) ont un objectif de chemin. Alors la manière de le faire, ils voudraient que ça se fasse différemment, selon certaines suggestions. On attend leurs propositions plus concrètes», a-t-il affirmé.

Mais même sur «la manière» de réduire les honoraires, Gaétan Barrette tient aux mesures prévues au projet de loi. C'est le cas de la baisse de la rémunération liée aux piluliers, qui serait assujettie à un plafond de 25%. La proportion est de 33% à l'heure actuelle. Le plafond de 25% est prévu dans une entente signée par l'AQPP, a insisté le ministre.

De passage en commission parlementaire, le président de l'AQPP, Jean Thiffault, a plaidé que la réduction des honoraires représente une perte de 100 000$ par pharmacie en moyenne. Cette mesure menace la survie de certains établissements, selon lui. Alors que l'État tente depuis des années d'augmenter l'accès aux services de première ligne, le projet de loi «fera exactement le contraire», a-t-il soutenu. Il a évoqué la baisse de services à la population: réduction des heures d'ouverture, coupure de postes et élimination de la livraison à domicile.

Ce scénario ne surviendra pas, selon Gaétan Barrette. «On est dans le jeu de la négociation. De leur part, c'est de bonne guerre de tenir ce discours-là, mais je ne crois pas que ça va arriver.»

Le projet de loi entraînerait pour les pharmaciens une baisse des honoraires de 177 millions - dont environ 30 millions provenant des usagers. Il permettrait aux pharmaciens de facturer trois nouveaux actes médicaux, ce qui coûterait autour de 14 millions à l'État. C'est une compensation largement insuffisante, selon l'AQPP.

M. Thiffault a souligné que son association a proposé des pistes d'économies de 100 millions de dollars au gouvernement. Il s'agit entre autres de l'utilisation plus grande de médicaments génériques - moins coûteux que ceux d'origine - et de l'inscription plus rapide de ce type de produits à la liste de médicaments de l'assurance publique.

Québec verse environ 1,2 milliard de dollars par année en honoraires aux pharmaciens.