Une étude publiée l'an dernier niant carrément l'utilité de la mammographie, des autorités de santé publique de plus en plus timides dans leurs messages et des lectures d'examens bâclées dans le passé font en sorte qu'on s'y perd. La mammographie doit-elle ou pas compter parmi les résolutions de la nouvelle année? Réflexion en quatre temps.

QU'EN DISENT LES AUTORITÉS PUBLIQUES?

L'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) évalue que le taux de mortalité des femmes qui prennent part au programme de dépistage du cancer du sein est inférieur de 35% à celui des autres femmes qui ne s'y soumettent pas.

De nos jours, les autorités publiques québécoises recommandent une mammographie tous les deux ans aux femmes de 50 à 69 ans. Avant cela? Chez une femme qui ne présente pas de facteur de risque particulier, l'Institut d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) concluait en 2009 que les effets nuisibles du dépistage l'emportent alors sur les bénéfices.

Ceci étant, le ministère de la Santé a beaucoup adouci sa promotion de la mammographie.

«Il y a 10 ans, on faisait valoir que le dépistage sauvait des vies, rappelle Éric Pelletier, responsable de l'équipe d'évaluation du programme de dépistage du cancer du sein au Québec à l'INSPQ. Aujourd'hui, le ministère de la Santé ne cherche plus tant à convaincre les femmes de passer des mammographies que de les aider à faire un choix éclairé.»

De fait, sur le site internet du Ministère, si les avantages de la mammographie sont indiqués, ses inconvénients (les tests inutiles, l'anxiété, etc.) et ses limites (certains cancers ne seront jamais détectés par une mammographie, par exemple) sont bien mis en évidence.

Fait à noter aussi, alors que l'autoexamen des seins et l'examen des seins par le médecin ont longtemps été fortement recommandés, les autorités publiques québécoises n'en font plus la promotion en raison du nombre trop élevé de fausses alertes. Des médecins croient cependant toujours en leur grande pertinence.

LES RADIOLOGISTES SONT-ILS FIABLES?

En 2010, à la suite d'une plainte d'une patiente au sujet d'un médecin à la pratique douteuse, le Collège des médecins a ordonné la révision de 15 000 mammographies.

Cette nouvelle a fait trembler bon nombre de femmes et de médecins, évoque la Dre Isabelle Trop. «Peu de temps après, le taux de rappel (pour des examens complémentaires) était en hausse, les médecins ayant peur «d'échapper«des cancers. La réaction était bien humaine.»

Depuis, il y a eu resserrement des normes. Pour être autorisé à analyser une mammographie, un médecin devait ces dernières années en lire au minimum 500 par année.

En janvier, ce seuil minimal sera haussé à 1000.

Au surplus, la performance de chaque radiologiste est évaluée en fonction de son taux de détection de cancer et de son taux de rappel.

Fait à noter, souligne la Dre Isabelle Trop, après une mammographie, de 5 à 7 femmes sur 100 se font dire qu'elles doivent revenir pour vérifier quelque chose. Parfois, une biopsie sera pratiquée. «Quand elle est faite, grosso modo, un cancer sera trouvé dans 25% des cas. Dans 75% des cas, après la biopsie, on conclura que la lésion est bénigne.»

Sans minimiser l'angoisse que cela suppose, la Dre Isabelle Trop relève que, comme radiologiste, la décision ne peut pas tenir compte de l'angoisse que cela suppose. «S'il y a une possibilité de cancer, je rappelle la patiente.»

APPAREIL CR, APPAREIL DR, EN 3D: LEQUEL EST LE MEILLEUR?

En 2013, une étude publiée dans la revue Radiology comparait trois types d'appareils servant à réaliser des mammographies: les appareils avec film (classique), les appareils avec film où l'image est lue par un capteur qui la numérise (CR) et les appareils entièrement numériques (DR). À la lumière de résultats de mammographies réalisées en Ontario auprès de 688 418 femmes, l'étude concluait que les appareils de type CR utilisés en Ontario échouent à détecter 1 cancer sur 1000.

Au Québec, la plupart des cliniques qui font du dépistage du cancer du sein ont un appareil de type CR (d'un autre fabricant qu'en Ontario, cependant), alors que les hôpitaux ont généralement un appareil de type DR.

En 2013, en réaction à l'article publié dans Radiology, l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux a procédé à une revue de la littérature sur le sujet. Sa conclusion générale: il n'existe pas de différence significative en ce qui concerne les paramètres d'efficacité clinique entre la mammographie CR et la mammographie DR.

Cependant, est-il précisé, «la technologie CR transmet une dose de radiation significativement plus élevée qu'une mammographie DR, tout en demeurant à l'intérieur des normes établies pour le Québec».

Voilà pour le CR et le DR. Mais deux grandes études scandinaves, présentées ces dernières semaines en congrès, portent vraiment à croire que l'avenir se trouve ailleurs, soit dans la tomosynthèse, un examen en trois dimensions qui permet de photographier le sein en 15 tranches très minces.

«Selon ces études, le taux de détection des cancers est plus élevé de 30% et les rappels (pour des examens complémentaires) sont diminués de 30%», indique la Dre Trop.

La radiation émanant de la tomosynthèse est plus élevée que pour les appareils CR et DR, «mais c'est beaucoup en deçà des seuils d'acceptabilité et beaucoup moins élevé que dans le temps des vieux appareils», précise-t-elle.

Enfin, soulignons que la résonance magnétique et l'échographie (dans ce dernier cas, un très bon outil pour diagnostiquer un cancer dans un sein dense) sont d'une grande utilité et qu'elles sont souvent utilisées pour des femmes à risque élevé de cancer du sein.

Ces tests ne peuvent cependant être utilisés que comme examens complémentaires. La mammographie demeure l'outil de choix pour détecter les microcalcifications, les distorsions et les asymétries, des signes importants qui ne sont souvent pas vus à l'échographie.

QUE CONCLURE DES INFORMATIONS CONTRADICTOIRES QUI CIRCULENT?

Bien sûr, la mammographie n'est pas un test parfait, dit la Dre Isabelle Trop, radiologiste au CHUM. Bien sûr, elle ne détecte pas tous les cancers. Cet examen permet cependant dans plusieurs cas de diagnostiquer plus tôt des cancers et, partant, de les soigner plus facilement et avec des traitements moins lourds.

Et non, la Dre Trop n'a pas été ébranlée par cette fameuse étude canadienne dont les résultats ont été publiés en février.

Selon cette étude, qui portait sur 89 835 femmes suivies pendant 25 ans, 500 personnes sont mortes d'un cancer du sein chez les 44 925 femmes qui subissaient des mammographies, comparativement à 505 décès chez les 44 910 femmes du groupe témoin qui ne faisaient pas de mammographies. Autrement dit, selon cette étude, les femmes ayant passé des mammographies annuelles pendant cinq ans avaient autant de risques de mourir du cancer du sein que celles ayant seulement fait des examens médicaux traditionnels.

Depuis sa publication, la méthodologie de cette étude a été fortement décriée, note cependant la Dre Trop. Les femmes qui présentaient des anomalies physiques étaient, semble-t-il, placées dans le groupe de celles qui subissaient des mammographies. «Certaines avaient donc probablement d'emblée des cancers plus avancés», explique la Dre Trop.

Mais surtout, ajoute-t-elle, en 25 ans, les appareils à mammographie se sont nettement raffinés.

Selon le ministère de la Santé, chez 1000 femmes de 50 à 69 ans s'étant soumises au dépistage tous les deux ans pendant 20 ans:

23

cancers de plus sont découverts chez les participantes du programme de dépistage par rapport à 1000 femmes non-participantes.

7

décès de moins surviennent.

170

femmes de plus passent au moins un examen complémentaire.

10

mauvais diagnostics ont entraîné des traitements inutiles.

495

femmes subiront au moins un examen complémentaire.